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Commentaire de Qirotatif

sur Fabrice Luchini : L'art de parler


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Qirotatif Qirotatif 14 octobre 2018 12:02

Luchini est un marqueur de notre époque, une de ces ères chrono-culturelles qui a érigé le médiateur en artiste et relégué le créateur derrière les perroquets. Celui qui récite, qui lit (que ce soit un prompteur ou un livre) prime désormais sur celui qui écrit.

Il n’aime pas les pianistes de gare mais qu’est-il donc d’autre lui-même ? N’est-il pas lui-même un artiste par procuration, un simple artisan régurgitant les mots des autres ? Parfois les pianistes de gare jouent leurs propres compositions ou improvisations... Luchini jamais. Non... son talent est audiovisuel, aux antipodes du littéraire. Il n’est invité que pour cela d’ailleurs : "faire du Luchini", à savoir rompre un brin la monotonie des discours convenus. Dans un système où tout est calibré, des concombres aux émissions, il est le petit grain de sable d’imprévu mais hélas, il n’a pas compris que, même dans cet exercice, il est devenu une mécanique de lui-même. Il n’est pas dans la dépossession comme il aime à le rappeler mais au contraire dans l’incarnation et son talent est là : faire accroire aux paresseux qui le payent pour lire que le génie est autant dans les phrases que d’autres ont passé des vies entières à ciseler que dans leur restitution. Gould est un interprète, Bach un compositeur de même que Luchini est un diseur, Céline un écrivain. 
Si la rhétorique, l’éloquence ou que sais-je d’autre était un art, il figurerait parmi les 7, 8 ou 9. Il n’en est rien. La psalmodie littéraire n’est pas même un art mineur, tout juste un pis-aller qui sied à merveille à l’ère du temps. Il faudrait déformer les "arts la scène" pour l’y faire pénétrer, avec le risque de dénaturer la création au profit de la causerie. Nul doute qu’il continuera à faire salle comble. 

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