@bubu12
Votre question est pertinente. C’est marrant, j’étais persuadé de l’avoir écrit, mais en me relisant je m’aperçois que j’avais oublié de le dire. Le problème n’est pas dans votre question, qui est légitime, mais dans la manière, souvent intentionnelle, de détourner l’attention de l’essentiel vers l’accessoire. Mon texte :
En
regardant une vidéo de débunkage (démystification), comme on dit
dans le jargon d’internet, et
après une discussion avec un membre de ma famille, j’ai
enfin compris la technique de manipulation principale utilisée par
les anti-conspirationnistes. Je ne parle pas des
anti-conspirationnistes bourrins, qui ne font que répéter comme des
perroquets les clichés qu’ils ont appris, le plus souvent à la
télé. Je veux parler des anti-conspirationnistes sérieux et
intelligents. Quelquefois ils ont raison sur certains points,
lorsqu’ils relèvent des erreurs ou des demi-vérités (ou des
mensonges). D’autres fois ils croient corriger une erreur en la
corrigeant par une autre erreur, dont ils n’ont pas conscience.
Difficile de tout vérifier.
Dans
tous les cas, leur tactique est reconnaissable à ceci qu’ils font
tout pour vous entraîner vers un point de détail pour vous
détourner de la vue d’ensemble. Ce point peut être important mais
pas déterminant au point de vous réfuter en totalité. C’est une
technique de manipulation fréquente chez les anti-conspis
:
ils vont se focaliser sur une erreur ou une imprécision et s’y
accrocher comme une tique pour éviter d’avoir à regarder ce
qu’ils ne veulent pas voir. La technique consiste à détourner
l’attention de l’essentiel, à noyer l’essentiel dans
l’accessoire. Et quand la discussion sur cet élément est épuisée,
ils passent à un autre, et ainsi de suite. C’est une cécité
volontaire : on refuse de voir ce qui dérange, alors on va
porter toute son attention sur des éléments du tableau qu’on va
décortiquer. Ainsi on s’interdit de voir vraiment le tableau. Si
le tableau représente un éléphant en gros plan dans une jungle,
l’anti-conspirationniste va vous hameçonner en vous disant que
vous vous trompez parce que la couleur de tel tronc d’arbre n’est
pas marron, comme vous le prétendez, mais grise ou verdâtre. Il
aura beau jeu de dire qu’il veut la précision et la vérité, et
vous vous retrouverez à discuter de la couleur du tronc d’arbre
alors que vous, ce qui vous intéresse, c’est de parler de
l’éléphant et de ce qu’il fait. Quand le sujet du tronc d’arbre
est épuisé, on vous amène
à parler d’un caillou sur le chemin, toujours dans le but de ne
pas parler de l’éléphant. Le nez collé au tableau,
l’anti-conspirationniste continue à scruter les détails alors
qu’il suffirait qu’il fasse deux pas en arrière pour comprendre
ce que représente le tableau.
Ce
genre de manipulation par focalisation excessive s’apparente au
travail d’un avocat qui gagne un procès pour vice de forme, alors
que son client est un criminel et qu’il sait qu’il est un
criminel. La différence c’est que l’anti-conspirationniste est,
certes,
de mauvaise
foi mais
pas totalement malhonnête
contrairement à l’avocat qui permet à son client, qu’il
sait coupable,
d’échapper à la justice. Il pense vraiment œuvrer pour la
vérité, même
s’il ignore qu’il est dans l’auto-duperie.
Toute erreur qu’il arrivera à déceler agira en lui comme un biais
de confirmation : il se dira qu’il a raison puisqu’il a
trouvé des erreurs ou
des extrapolations abusives,
et il sera conforté dans sa croyance.