Je suis généralement
très critique envers les féministes radicales qui ont souvent tendance à
essentialiser le sexe masculin mais il ne faut pas non plus leur faire dire ce
qu’elles ne disent pas. J’ai l’impression que plus une société se polarise ( ce
qui semble être notre cas), plus on est dans l’incapacité d’écouter les
arguments des camps adverses, on préfère la voie de la facilité en caricaturant
les propos de la façon la plus outrancière possible jusqu’à l’absurde. C’est la
généralisation des arguments homme de paille, de ce procédé rhétorique que Schopenhauer
a appelé « « l’extension dans l’art d’avoir toujours raison. Les
réactions aux propos de Alice Coffin dans les grands médias et dans les réseaux
sociaux ne relèvent quasiment que de ça, elle souhaiterait soi-disant
exterminer les hommes.
Qu’est-ce qu’elle
a dit ? Qu’il existe une surreprésentation masculine actuelle et passée
dans la production artistique et que l’art est par conséquent une extension de
l’imaginaire masculin. Un imaginaire qui a une perspective dominante
et qui va avoir tendance à construire et véhiculer des stéréotypes féminins qui
vont charpenter les imaginaires (donc y compris ceux des femmes). Et cette
construction masculine des représentations mentales va faire « système »,
autrement dit va s’exprimer par des comportements et s’insinuer dans tous les
rapports sociaux pour fonder ce que les féministes appellent un ordre patriarcal,
un système sexiste structuré contre les femmes. Alice Coffin ne propose pas d’éradiquer
les artistes masculins, de les interdire ou de mettre leur tête sur des piques,
elle dit simplement que pour s’émanciper de
cette dynamique sexiste et de conditionnement androcentré et intériorisé par
les femmes elles-mêmes, elle a décidé de consacrer temporairement son espace
mental à la création féminine dans une optique de rééquilibrage. Ce n’est donc qu’un
choix individuel qui n’engage que celle qui la prend.
Est-ce que son
propos est contestable ? Evidemment, on peut le critiquer sous plusieurs
angles et elle peut répondre à ces critiques, cela ferait partie du débat
public. Mais les réactions disproportionnées à un propos aussi anodin sont ahurissantes,
on transforme son propos pour lui faire dire des choses qu’elle n’a jamais dites ou écrites, certains sont allé jusqu’à formuler des menaces de morts. Et après,
on s’offusquera si elle décide de refuser de débattre après avoir été vouée à l’anathème,
on va dire, comme pour Geoffroy de Lagasnerie que c’est une vilaine gauchiste
totalitaire alors que l’éthique du débat est violée dès le départ par ses
accusateurs.
Mais cette indignation interroge. Est-ce que ces réactions à son
choix personnel de réduire les influences masculines ne sont pas l’illustration
de ce qu’elle dénonce ? Est-ce que la panique que son propos a provoqué n’est
pas l’expression d’une crainte masculine de perdre une position hégémonique ?
Si ce qu’elle dit est faux, pourquoi ça dérange à ce point ? Même moi qui
suis pourtant éloigné des thèses féministes et qui ait un mode de vie très
conservateur dans le privé, je commence à me poser des questions.