@Gaspard Delanuit
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Je vous remercie de votre réponse.
Il y a d’autres définitions dans les différents dicos du
Web, sans cet antagonisme des sens que vous présentez, mais pour l’instant, je
ne veux pas m’embarrasser à les confronter. Je préfère mieux comprendre nos
états de pensées respectifs, en éclaircissant déjà le mien, puisque nos
explications sont opposées.
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En préalable, le charisme peut être un état permanent dont
disposent certaines personnes, ou bien une manifestation qui s’exprime de quelqu’un
selon un contexte. Mais il existe aussi des personnes qui n’ont jamais aucun
charisme.
Je distingue le chef qui commande à l’autorité qu’on écoute
(même si l’un n’empêche pas l’autre).
J’écoute avec plus d’attention telle personne parce-que je sais qu’elle
va me nourrir. Si je sais qu’elle peut m’apporter des connaissances et/ou des
capacités que je n’ai pas, elle aura tendance à jouer un rôle de maitre ou de
chef pour moi. Si je sais/je sens
qu’elle va m’améliorer, moi, ou
améliorer les choses, je lui reconnaîtrais une autorité charismatique qui va
améliorer une qualité.
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Je continue avec le cas Raoult, pour en parler plus
concrètement. Ses premières publications avec ses premiers patients étaient
malhonnêtes, il est péremptoire au propos pas toujours clair, Il s’est planté
sur la deuxième vague inexistante, trop facile de dire que c’est en fait un autre
variant : je ne pense pas être dans la fascination. Je pense être dans le
même état d’esprit que la plupart des gens qui apprécient Raoult (Avox, c’est
particulier, c’est un ring).
Durant les années 1980, quand il y avait encore des hôpitaux
en bon état et des médecins partout, la santé, c’était : « un
bobo : allo docteur ». Point barre. (A titre de comparaison, si ça
peut aider, avant JP Coffre et J Bové, la bouffe, c’était clean et sûr, emballé dans le métal ou le plastique et étiqueté, sinon, c’était sale et
dangereux, les jolies pensées de la fermière qui jette le grain pour les poules
n’étaient que nostalgies). Depuis il y a
eu deux façons de penser la santé, non dites ou non confrontées : la santé, c’est l’affaire
de la science et la médecine avec, ou bien, la santé c’est mon affaire avec la médecine
pour aider quand je ne peux pas ou plus faire seul. Avec le début de la crise
covid, on était en mode habituel : la santé, c’est la science. L’image de
Raoult, sa dégaine, son fief provincial
suggérait possiblement, intuitivement, l’autre approche de la médecine. Et il a
fait des sacrilèges. Il a dépisté quand les autorités médico-scientifiques ont
dit que c’était inutile. Il a récupéré un vieux médoc pour faire de la
recherche-terrain de généraliste avec ses patients. Alors que le
médico-scientifique a dit que tout devait être « scientifisé » via l’étude
à deux aveugles avec placebo, puis devait passer par la technologie vaccinale.
Puis on a vu que Raoult était solide contre les autorités sanitaires, le
gouvernement, les injonctions de l’OMS…
C’est comme ça que son charisme est venu : c’est une rencontre
entre une vision de la médecine qu’il porte et une attente, plus ou moins
consciente, de cette population qui pense que la santé commence par se soigner
soi-même. Comme Bové et JP Coffre ont levé une vision de la bouffe
post-industrielle, comme Martin Luther King avait sa vision, etc…
A grande ou petite échelle, le charisme désigne quelqu’un
qui porte un univers de pensée, ou une vision, que les autres pressentent, attendent, à
laquelle ils adhèrent même si toute cette vision est encore difficile à
formaliser .
Je vais quand même y faire un tour, mais je voulais éviter
le monde politique car sa médiocrité est telle qu’elle empêche, justement, le
vrai charisme de s’exprimer. Je parlais
de J Bové : sans rentrer dans les détails, quand il a expliqué pourquoi il
se lançait dans la politique, tout la « galaxie Bové » était
complètement atterrée. L’évidence commune était que la politique était un monde
pourri qui allait éteindre son charisme alors qu’il soulevait l’imaginaire, l’adhésion
commune, l’allant nécessaires pour contribuer à la transformation de l’agriculture
et l’alimentation. Ce qu’il s’est passé.
Même s’il reste un héritage utile.
Tout au plus, il en reste des « caractères », qui
évoquent un monde interagissant avec notre intuitif, des valeurs qu’on porte, même si on sent bien que tout ça est
vérolé : Méluche, le tribun qui lève les foules et renverse les puissants,
Fillon le solide qui remet l’ordre et la sécurité dans le pays, Macron le
moderne qui renverse le vieux monde qui nous a tant usés de la droite et de la
gauche. Et justement, DNA (pardon Conférençovore),
n’a pas ça, un « caractère »
qu’il incarne (alors qu’il a plus de couilles que les autres, comme je l’ai dit
plus haut). Sinon, il reste des succédanées, comme vous l’évoquez : la
séduction vulgaire, les opérations de comm, le marketing politique…
J’ai sans doute hacké le début de l’échange, mais je voulais
au moins isoler le « vrai » charisme, ou son intérêt, pour indiquer à quoi il ressemble.
Après, il y a plus ou moins frelatés. Le démonstrateur de foire (que j’ai toujours
adoré regarder) avec son outil qui fait tout et ça marche moins bien à la
maison quand on l’a acheté. Mais si ce n’est pas aussi bien, ça marche quand
même et ça améliore quand même la cuisine. Il y a l’ambivalent : Tapie, le monde
self-made man, ou just do it. Il y a cru lui-même, puisqu’il l’a fait, mais ça
ne marche pas comme ça pour tout le monde. Et puis il y a l’escroc vendeur de
rêves, il y a le charisme « noir » dont on a des exemples historiques…
C’est pour cela que j’utilisais la métaphore du feu. Ou l’amour : il
conduit au sublime comme il fait des ravages, mais vous n’allez pas éradiquer l’amour pour autant.
Enfin, comparé au chef : le charismatique porte en lui
une vision que le chef ne porte pas.