Comme toujours, il y a plusieurs situations à considérer.
1/ Celle de ceux qui ont eu de la chance. La chance de réussir professionnellement, donc aussi d’avoir eu le nez creux, d’avoir eu l’intelligence d’écouter de bons conseils, d’avoir du talent pour s’orienter vers un métier/domaine rémunérateur, d’avoir une aide familiale permettant d’accéder à la propriété, d’avoir de la chance tout court (comme ce voisin qui a touché le pactole à l’Euromillion il y a qq années). Mais la chance seule suffit rarement. Elle devient même presque secondaire en regard de l’autre élément indispensable : la clairvoyance dans les choix ; et là, on arrive sur le cas numéro 2.
2/ Celle de ceux qui ont eu de la chance (un peu ou même pas du tout) mais pas l’intelligence de gérer leurs priorités. Et là ce sont bien des (mauvais) choix qui conduisent à des situations difficiles, ses situations où l’on rampe devant un inable employé de banque pour qu’il ait l’extrême bonté d’examiner notre "situation". Nous avons tous des collègues/connaissances/amis/parents qui ont fait des choix de merde bien qu’ayant bénéficiés de conditions parfois même très favorables. Ils ont changé leur voiture tous les ans, acheté les gadgets derniers cris et hors de prix (toutes ces merdes d’Apple, de machins connectés, etc), dépensé sans compter pour des voyages mais, à côté de cela... ont préféré payer des loyers, vivre à tout prix dans des villes où ce poste de dépense est considérable, se baffrer au resto, payer pour aller voir des films de merde. Ils auraient pu sécuriser le plus important (du moins selon pas mal de gens encore raisonnables), à savoir le toit au-dessus de leur tête, mais non. Nous en connaissons tous : ils ont une belle bagnole pour laquelle ils claquent 400 balles par mois mais raquent pendant des années voire des décennies pour des apparts/maisons qui ne leur appartiendront jamais. Ils sont endettés pour du futile et de l’éphémère et, bien que tous les signaux étaient au rouge et que de nombreuses personnes les prévenaient, ils ont fait le choix de maintenir leur niveau de conso immédiate. Là, désolé, mais il est difficile de chialer sur leur sort. Effectivement, ils ne pourront probablement plus emprunter à l’avenir ou bien à des conditions tellement merdiques que cela n’aura aucun intérêt mais ils ont choisi l’option Schwab sans considérer les conséquences : "vous n’aurez rien [de concret] et serez heureux... ou pas, nous, en s’en fout". La cigale a chanté tout l’été. Il ne lui reste plus qu’à danser.
3/ Celle de ceux qui n’ont pas (forcément) eu de chance, malgré leurs mérites. Et eux sont de plus en plus nombreux. Ce sont ces commerçants dont le seul bien, le seul capital est leur boutique/entreprise. C’est leur vie, leur passé, leur présent et même leur retraite et même l’héritage qu’ils laisseront. Ce sont aussi ces travailleurs pauvres qui turbinent/ont turbiné toute leur vie, le tout pour, à la fin, toucher à peine mieux qu’un minimum vieillesse qui est donné gratos à des étrangers qui n’ont jamais côtisé le moindre euro et dont le seul "mérite" est d’être chez nous depuis 10 ans. Ce sont ces retraités pauvres que nous avons en masse dans nos campagnes dépourvues de services publics et qui doivent faire 150 bornes pour un RV chez le cardiologue. Même s’ils en avaient fait le choix, aucune banque ne leur aurait prêté un kopeck. Pour eux, la redistribution sociale a du sens.
Je schématise à fond car il y a autant de situations différentes que d’individus. Tout dépend de nos milieux d’origine, de notre âge/génération, de la géographie dans laquelle nous avons choisi d’évoluer, des virages que nous avons donné à nos vies, de la chance (qui se provoque aussi), celle d’être en bonne santé, d’avoir plus ou moins d’interconnexions neuronales, de nos capacités respectives à se transcender, chercher des alternatives, être apables de changement, etc. J’ai tendance à penser que, depuis environ 20 ans, tous ces facteurs ont perdu en poids. Depuis l’ère du net, l’information est accessible à tous ceux qui veulent bien se donner la peine d’aller la chercher. Autrement dit, à moins de considérer que les gens sont irresponsables et donc méritent d’être mis sous tutelle (et il y en a... il y en a beaucoup, surtout dans un pays ultra-étatisé comme le nôtre), la majorité des individus a eu toutes les cartes en main, notamment celles de la connaissance. Minc disait lui-même que banquier est un métier de pute... Des milliers de lanceurs d’alerte ont parfois sacrifié leur propre avenir pour avertir en partie des sourds. Désormais, le processus de dépossession est en marche et, pour des millions de cigales, il est inéluctable. Klaus et ses amis peuvent ricaner : ils savent ce qu’ils font et ils ont fait des choix, eux. Il n’y a même pas besoin de constater que Bill et consorts achètent de la terre pour comprendre que ces individus ont compris ce que nous pouvons tous comprendre : c’est le bien le plus précieux de tous. Elle reste encore largement accessible, y compris en Fr, y compris pour des gens modestes. Des fermes qui se vendent, il y en a des centaines de nouvelles dans mon département et chaque année. Mais là encore, c’est une question de choix. Des bagnoles anciennes (donc à peu près répérables) et des outils mécaniques marcheront toujours demain mais l’on peut préférer la haute techno jettable. Il ne faut simplement pas venir se plaindre derrière que nous le devenons aussi, jettables.