• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV Mobile


Commentaire de Raphaël Zacharie de Izarra

sur Talons nocturnes


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Raphaël Zacharie de Izarra (---.---.60.222) 3 octobre 2007 14:58

DE BELLE SOCIETE

Elle était bourgeoise en diable : chapeau chic et noire dentelle, avec un rien de malice hautaine dans l’oeil. Le verbe citadin, le ton haut perché, tout en élégance maniérée, elle était belle comme une avenue bordée de marbres.

J’aimais sa façon de toiser les plus humbles. Le talon aigu, la moue facile, le coeur sec... Son panache était délicieusement urbain. Il lui fallait un certain modèle de sac-à-main pour sortir, de l’éclat jusque sous sa semelle, un parfum qui fût cher. Elle paradait, impériale.

Exquisément futile.

Elle s’adressait aux plombiers avec condescendance, faisait la charité avec ostentation, choisissait ses amants au moins aussi fortunés que son défunt mari : c’était une femme de goût qui avait de la moralité.

Elle avait de la conversation, sachant retenir longuement les attentions sur sa toilette. Elle avait aussi le sens des affaires, touchant mensuellement ses rentes. Son tact était divin : jamais elle ne faisait allusion à l’indigence de ses interlocuteurs aux revenus modestes, bien qu’elle évitât généralement de converser avec eux. Elle ne parlait d’argent qu’avec son banquier, qui faisait aussi partie de son cercle d’amants.

Mais ce que j’appréciais par-dessus tout chez elle, c’était son maintien le dimanche à la messe dans la cathédrale. Sa dignité me comblait d’aise. C’était un spectacle que de la regarder prier avec une si sincère froideur... Elle exposait ses plus fins bijoux, affichait sa moue la plus résolue, exhibait son chapeau le plus recherché.

Je me réjouissais à l’idée de la rejoindre devant le parvis, car comme d’habitude je savais qu’au sortir de l’office, pieuse comme elle était, elle me manderait pour lui servir de dominicale compagnie.

Raphaël Zacharie de Izarra


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès