JEUNE ET JURY AU FESTIVAL

Aucuns commentaires pour saluer ce morceau de bravoure signé Cyril ? Que d’injustice !... alors moi, grand seigneur -ayant un peu de temps disponible !- que l’iniquité insupporte, de m’atteler de ce pas à cette (lourde) tâche.

Le sujet ici, c’est Cannes. Plus précisément, son festival catastrophique n’accouchant désormais que d’extrêmement rares chefs d’oeuvre, improbables cygnes surnageant en cette marre d’insignifiance, voire de bêtise crasse. Cette année, n’avons-nous pas eu à subir l’« Antichrista » de l’épouvantable Lars Von Trier -qui est au cinéma ce qu’Amélie Nothomb (« Antéchrista ») est à l’écriture : c’est-à-dire, pas grand-chose ? Ou encore, « Vengeance » de Johnnie To(w) avec notre Johnny number One ? Bref, que d’excellence n’est-ce pas ! Donc Cannes, disais-je, son festival... et, un jury composé de jeunes critiques, toute liquidation culturelle (voir les prix littéraires décernés par des lycéens) se faisant actuellement par la jeunesse. Ici, le reportage nous montre une fois de plus que si l’on flatte diligemment nos bambins, on ne les écoute guère -« soit jeune et tais-toi »- , sauf à s’intéresser à leur(s) forme(s) plus qu’à leur fond (Cyril y’en a aimé les damoiselles !).

Heureusement, avions-nous dépêché un reporter sur place. Dès lors, laissons-le nous livrer sa chronique :

« Oui, me voici aujourd’hui à Cannes où je retrouve enfin Cyril de ZéroTv, la télé pour les nuls va sans dire. Oui, oui, ça commence fort sur la Croisette ! La caméra virevolte à vous en donner le tournis. A vomir vos abattis, mes canards (autre métaphore aquatique) ! Notre dragueur mondain, donjuanesque héros moderne, n’a pas changé de méthode, nous gratifiant d’un hymne à la femme. D’entrée de jeu, comme il se doit chers téléspectateurs ! Ne le voilà-t-il pas se fendant d’une réplique à nous couper le souffle, gimmick que tout séducteur se respectant aurait aimé faire sien. Ceci, donnant à peu près cela : « L’homme préhistorique chassait pour la femme, le contemporain, quant à lui, cueille aujourd’hui pour sa belle... des oranges ! ».

« Oh, le bel esprit que voilà, entreprenant et tout et tout. La jeune fille ne peut que succomber, on la comprend. Elle se retient, ça se voit ! Quant à moi, en mission pour QualityTv, je n’ai guère de veine aujourd’hui, c’est là le moindre constat. Oui, ne dussé-je ainsi assister à une interview lénifiante, un long plan fixe parfois agité de soubresauts ? Curieusement, d’ailleurs : allez savoir pourquoi ! Là, c’est un barbu, critique de son état, qui fait face à notre Cyril national. Le cinéphile de service n’est pas avare en bredouillages et autres bafouillages mes amis, et c’est le seul domaine en lequel il excelle. Ses propos n’ont aucun intérêt, inutile donc de littéralement vous les traduire. « Blablabla... areu areu », et j’en passe. Consensuels et convenus au possible, ces mots ne laissent aucunes traces... car de suite, s’effacent. Ah si ! ça devient intéressant, Cyril ne vient-il pas d’en appeler à la « sémantique » ? Oh, le beau mot, petite pousse destinée à devenir fleur de rhétorique ? En référer au sens quand il est à ce point absent, quelle noble prévenance pour notre rhéteur en herbe. « D’accord, d’accord... », continue le journaliste de ZéroTv, que l’on sent nerveux et si peu convaincu. Certes, le serait-on à moins... dubitatif ! L’autre cinéphile, ne doutant de rien, nous vend sa critique telle un altruisme, défense du faible contre le fort, apologie du cinéma d’auteur... bref, que du mielleux en tartine, du doucereux en veux-tu en voilà, du réchauffé, de la resucée de première (comme la magazine du même nom). Au secours, Mankiewicz, Murnau, Hitchcock, revenez parmi nous !

Malheureusement, amis spectateurs, Cyril croit au principe d’élection et se fait un devoir d’interviewer de supposés grands hommes. Alors, fichtre !... continuons ! « Vous avez élu... », nous dit-il plus loin. Vous voyez, je vous avais prévenus, le mot est lâché. Et ce n’est pas fini, ça bafouille à nouveau. Au passage, on défend les homos... quand la tolérance vient en lieu et place de l’absence d’idées !

Ah, je m’interromps ! le jeune homme, hardi, s’en réfère à Capra. Mes respects pour notre lettré aux genoux khâgneux -en perpétuelle quête de citations, suivant le principe désormais éventé que « trop d’études nuisent méchamment à la pensée ». Sûr que ça en jette, Capra ! Raté, dommage ! Oh, l’ambiance est maintenant au beau fixe ! les rires d’artifice fusent avant même le 14 du mois de juillet : présentement, quelle belle connivence entre nos lascars ! « Vous êtes en quelque sorte un animateur... », lance Cyril au poilu d’en face... ah, ah, ah, la bonne « poilade », l’homérique « marrade » ! Le critique, puriste en diable, ne manque pas au passage de nous asséner une jolie phrase dans le genre : « Des choses que je n’aurais pas pris », histoire de nous convaincre de sa parfaite maîtrise du complément d’objet. Oui, rarement ai-je passé si agréable moment culturel ! Et, n’oublions pas le retour à la belle fille en fin de reportage, suivant la désormais éprouvée technique cyriléenne. Quant à moi, toute bonne compagnie se quittant, je rends l’antenne et gagne mon lit. Comprenez, chers téléspectateurs, pareille épreuve jouant tant sur les nerfs, on ne peut en sortir indemne »