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jimontheair jimontheair 19 décembre 2017 09:35

@Zatara

Ca devrait vous intéresser. D’autant plus que cette analyse de Michéa peut et doit je crois s’étendre bien au delà du cas concerné ici avec par exemple la visite au camps, je veux dire s’étendre à ce que nous voyons se déployer dans le pays de manière bien trop générale.

Une figure parentale simplement répressive dira à son enfant : "tu dois aller à l’anniversaire de ta grand-mère et bien t’y tenir même si tu t’ennuies à mourir - je ne veux pas savoir si tu veux y aller ou non, tu dois y aller !" Par contraste, la figure surmoïque dira au même enfant : "Bien que tu saches très bien à quel point ta grand-mère a envie de te voir, tu ne dois le faire que si tu en as vraiment envie - sinon tu ferais mieux de rester à la maison !"

La ruse du Surmoi consiste à faire croire en cette fausse apparence du libre choix, qui est en réalité un ordre encore plus puissant : non seulement "tu dois rendre visite à ta grand-mère quel que soit ton désir", mais "tu dois être ravi de le faire !" On devine la réponse des parents [si l’enfant refuse] : "Mais comment peux-tu refuser ? Comment peux-tu être si méchant ? Qu’est-ce que ta pauvre grand-mère a fait pour que tu ne l’aimes pas ?" 

Là où le détournement patriarcal de l’autorité paternelle ordonne essentiellement l’obéissance à la loi, le désir de puissance matriarcal se présente sous des formes bien plus étouffantes. Il fonctionne d’abord à la culpabilisation et au chantage affectif sur les modes de la plainte, du reproche et de l’accusation. 

La première forme d’emprise institue un ordre principalement disciplinaire, commandant la soumission totale du sujet dans son comportement extérieur. La seconde institue un contrôle infiniment plus radical ; elle exige que le sujet cède sur son désir et adhère de tout son être à la soumission demandée, sous peine de se voir détruit dans l’estime qu’il a de lui-même. Alors que l’ordre disciplinaire est par définition toujours frontal (ce qui rend possible à la fois la conscience de l’oppression subie et la révolte contre cet ordre), le contrôle matriarcal exercé sur un sujet "pour son bien" et au nom de "l’amour" qu’on lui voue, tend à fonctionner sous des formes beaucoup plus enveloppantes et insidieuses, de sorte que le sujet est presque inévitablement conduit à s’en prendre à lui-même de son ingratitude et de sa noirceur morale. 

Il est psychologiquement impossible à une mère possessive de vivre sa folle volonté de puissance autrement que comme une forme exemplaire de l’amour et du dévouement sacrificiel. Il est ainsi inévitable que la main invisible de la domination patriarcale finisse par concentrer sur la main invisible de la domination matriarcale toutes les mises en question du pouvoir coercitif. C’est pourquoi le lent démontage historique des sociétés disciplinaires, oeuvre principale de la modernité avancée, ne se traduit jamais par l’accès du grand nombre à la belle autonomie promise. Faute d’une critique intégrale des mécanismes de la domination, que le matérialisme libéral interdit par principe, ce démontage méthodique conduit au contraire à la mise en place progressive de sociétés de contrôle, soumises à l’autorité croissante des "experts" et baignant dans un étrange climat d’autocensure, de repentance et de culpabilité généralisée.