Le
Front national
En
1972, deux mouvements d’extrême droite, Ordre Nouveau et le
Parti des forces nouvelles constituent un parti politique, le Front
national pour participer aux élections législatives
de 1973. La présidence est confiée à Jean-Marie
Le Pen. Le FN se construit sur le modèle du MSI de Giorgio
Almirante, un parti néo fasciste ouvertement mussolinien. Le
FN reste groupusculaire, en concurrence avec d’autres mouvements qui
déclinent rapidement. En 1983, lors d’une municipale partielle
à Dreux, le numéro deux du FN, Jean-Pierre Stirbois
parvient à se faire élire grâce au soutien de
la droite. Dès lors, sur fond de crise, la percée électorale
du FN se précise au point qu’il peut atteindre plus d’une trentaine
de députés aux élections de 1986. Le parti de
Le Pen, par ses succès électoraux, le charisme de son
chef et sa capacité à capter à la fois les votes
protestataires, à donner un espace d’expression aux idées
racistes devient durablement installé dans la vie politique
française. En 1995, Le Pen recueille près de 15 % des
suffrages à la présidentielle et quatre villes tombent
aux mains du FN, dont Toulon. En 1998, l’extrême droite est
si bien implantée localement que dans quatre régions
(Rhône-Alpes, Picardie, Bourgogne et Languedoc-Roussillon),
la droite n’hésite pas à faire alliance avec elle pour
en garder ou en gagner la présidence. Au point que les autres
formations politiques se déterminent parfois par rapport à
lui notamment sur le fond. C’est ce qu’on va appeler la lepénisation
des esprits.
La
lepénisation des esprits
Le
Pen parvient à fédérer durablement autour de
lui toutes les traditions de l’extrême droite française.
Et la porosité avec la droite est si forte que la base des
partis traditionnels n’est pas si intransigeante avec le FN que leurs
responsables politiques. Le Pen alterne entre "dérapages verbaux"
et victimisation. Le socle idéologique du FN se structure avec
la contribution de brillants théoriciens comme Mégret,
Blot et Le Gallou. Ce dernier invente le concept de "préférence
nationale" dans lequel il va justifier toute l’idéologie lepéniste
basée sur la discrimination systématique des immigrés,
l’inégalité des races, le corporatisme, l’inégalité
entre les femmes et les hommes, la fermeture des frontières,
etc…
Mais
il y a un débat interne sur la stratégie. Si Le Pen,
fidèle à la tradition de la droite révolutionnaire
"attend son heure", voulant prendre seul le pouvoir, Mégret
s’approprie une pensée gramscienne mal digérée.
Il veut conquérir le pouvoir culturel (dominer les référents
de la pensée) pour conquérir le pouvoir politique. Par
ailleurs, si Le Pen surfe opportunément sur le "ni droite ni
gauche", Mégret, lui, a choisi son camp et il est de droite.
Il veut conquérir le pouvoir en s’alliant avec la droite. L’avènement
du premier gouvernement d’Alliance nationale de Berlusconi en 1994
avec le soutien l’extrême droite. Ces deux stratégies
s’opposent et provoquent une scission au début de l’année
1999 entraînant déclin relatif du FN. Mais si sa dynamique
s’est brisée, le FN reste, dans les représentations,
le parti de la peur, du repli sur soi et de la discrimination. C’est
ainsi que, excités par les discours de la droite sur l’insécurité,
perplexes quant à l’avenir, beaucoup de Français ont
porté Le Pen en deuxième position lors de l’élection
présidentielle le 21 avril.