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easy1 11 août 2012 23:57

Les Viets et le jeu

Le phénomène évolue bien entendu au fil des décennies et on ne le remarquera peut-être plus dans deux générations sur ceux qui vivent en Occident, peut-être même chez ceux qui vivent aux Vietnam.

Mais le Viet (ethnie majoritaire que nous connaissons, les 53 autres ethnies ayant une approche différente de la chose) adore les jeux de hasard et de société, dont les jeux d’argent.
Les Chinois aussi mais chez le Viet, ça concerne quasiment plus les enfants.


Selon la voie bouddhiste qui a séduit les Viets (étant situés sur le seul chemin plat entre l’Inde et la Chine, ils ont tout vu passer chez eux, en toute amitié le plus souvent) il n’y a aucun mal à gagner de l’argent.

Commerçants alors.
Oui mais comme ils sont fascinés par les études, l’argent n’est pas la finalité.
On pourrait dire que si pour certains peuples les études servent à s’enrichir, pour les Viets, c’est l’argent qui sert à étudier.

Un Viet voit en l’argent plutôt un accès à la joie familiale, un Chinois de Saïgon plutôt à son hybris individuel
Les Chinois Han de Saïgon le font aussi, mais les Viets le font beaucoup de fournir à leurs morts de billets factices ainsi que des offrandes en encens et aliments.
Comme l’argent est facticé en plein d’occasions puisqu’on célèbre les ancêtres très souvent, il prend aux yeux des Viets une allure très spirituelle, très affective. Beaucoup d’argent = beaucoup de marques d’affection possibles. Argent = relations heureuses

(Il existe des gens sur Terre qui observent tout un protocole d’enterrement et de tombe pendant 3 ans, puis ils passent au deuil du deuil et abandonnent la tombe. Ils tournent complètement la page. Les Viets font partie de ceux qui ne font pas le deuil du deuil et qui protègent les tombes indéfiniment et au plus près d’eux. Idéalement, la tombe serait dans leur jardin et de toutes manières il y a un autel des ancêtres avec leur portrait ou photo dans la maison et c’est alors cent fois par jour qu’en passant devant ils pensent à leurs défunts)


Ce culte des morts est si important et central de la vie des gens que les enfants, qui sont précisément ceux qui vont perpétuer ce culte, sont hyper importants en termes de responsabilisation.

Ils sont si importants que le terme enfant ou fils ou fille (Le viet est une langue sans genre fondé sur le sexe. Sans pluriel non plus) est utilisé par tous les adultes au sujet de tous les enfants. A moins d’être une peu ma-famille-centrique un homme de 30 ans appelera un gamin vendeur de cigarettes par le même mot générique qu’il utilise pour appeler son propre enfant ’con’ prononcé avec le o très sonore de coq, de école ou de horreur. Un orphelin complètement seul s’entend appelé fils comme les autres.


Lorsqu’un Français dit "Je vais à l’école" on comprend que son corps y va mais on n’est pas certain qu’il ait la volonté personnelle d’y aller.
Quand un Viet dit " Con di hoc" (enfant aller étudier) ça a un sens beaucoup plus net quoique implicite de "Je vais de moi-même et en tant qu’enfant à l’école"
Il n’y a aucun doute quant à sa volonté d’y aller.

Le Je des Viets implique un sens de ’Je le veux’.


Ce sens des responsabilités touche certes les actions que JE fais mais aussi les idées que JE pense.

Alors les enfants sont responsables et du coup, il est hors de question qu’un enfant fasse un jour procès à ses parents car tout ce qui se sera passé dans l’enfance se sera passé en pleine responsabilité de chacun, enfant compris (à due proportion de son âge)
.

Les parents peuvent donc discuter d’argent avec leurs enfants sans qu’il n’y ait de frontière adulte oui / enfant non.
Et l’on voit donc des enfants de 7 ans vendre des fruits aux touristes, faire du commerce et ramener l’argent gagné à leurs parents ou au chef de la maisonnée qui peut être une soeur ou un frère^aîné (il y a tant d’orphelins)
Comme on vit à 3 générations minimum par maisonnée, dès qu’on passe grand-père on confie ses gains à l’adulte d’âge moyen qui gère donc les revenus et dépenses de trois générations.

Il n’y a pas de jouet sinon ceux que l’on se bricole. On n’offre alors aux enfants, lors des fêtes, que de l’argent et avec ça, ils jouent aux jeux de cartes en grandes rigolades car c’est associé à la fête très collective dont le fameux Têt.

Il a fallu le Noël des Français pour introduire une notion de jouets, sinon c’était exclu.


Au Têt, c’est la joie totale et hyper collective pour les enfants (pas question de s’amuser seul dans sa chambre) Tout, absolument tout se passe dehors. Rouge pétard, rouge les faux billets, rouge les emballages, rouge les rubans, tout vire au rouge et or. Ca explose, ça pétarade et dans cette ambiance où les pétards monopolisent la violence, tout est fraternel. Les enfants jouent à des jeux d’argent hilares et devant les adultes, devant leurs parents. Dès qu’ils ont un billet, ils foncent jouer avec des potes (ce sont les adultes qui achètent les pétards, les enfants ne se servent de leur argent que pour jouer aux cartes)

En dehors des fêtes, ce principe se poursuit sous d’autres formes plus économes.
On passe aux pièces
A la sortie des écoles et lycées, les enfants jouent à des jeux d’adresse où il s’agit de lancer une pièce contre un mur et elle doit rebondir à un certain endroit, le gagnant emporte la mise. L’école commençant et se terminant tôt, ceux qui étudient le moins, passent donc des heures à lancer des pièces sur les murs et ça fait un bruit de cliquetis devant les écoles. 

Quand on gagne, on appelle ses potes et on s’offre un bidule à bouffer à un des mille marchands ambulants : glace à l’eau, viande séchée + rapé de papaye verte, nougats, prine de cythère marinée, goyave...


L’enfant passe donc à l’âge adulte sans hiatus ni crise d’adolescence puisque qu’il n’y a pas de crans d’autorité ou de responsabilité. Il se déniaise progressivement et régulièrement. Il n’existe pas le moment où les adultes lui font croire au Père Noël puis de dépit en découvrant qu’il a été abusé.
Adultes et enfants croient aux mêmes choses.

Il n’y a pas de métiers d’adultes qui échappent à la vue des enfants. Tout est visible et les enfants savent donc très bien ce que font leurs parents. Du coup les enfants savent faire ce que font les adultes et le savoir est très disséminé ou diffus aussi bien verticalement qu’horizontalement.
Même si un enfant ne peut pas étudier parce qu’il se retrouve avec des frangins nourrir, il a tellement pu observer ce que font les adultes pour gagner leur vie qu’ils en font autant sans apprentissage particulier. Personne ne se fait donc de bile, aux problématiques de guerre près, et encore, ils apprennent aussi vite à se démerder dans une économie de guerre.

Un gosse de riche s’emmerderait royalement s’il ne jouait pas avec les enfants les plus pauvres. Devenir riche semble de peu d’intérêt sinon pour l’accès aux études.
Il n’y a donc pas de quartiers de riches et de quartiers de pauvres, tout est mélangé et seuls les Français ont contrarié cette manière de voir les choses en créant des quartiers prestigieux pour leurs villas. Ce ’beau quartier français" avec ses avenues très larges étant alors le plus désert et le plus triste (Ca vaut surtout pour Saïgon qui avait été créée de toutes pièces à partir de rien)




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