Les Etats-unis sont devenus des experts de la torture psychologique comme le rappelle cet excellent article du grand soir :
" Officiellement Washington est contre la torture et a conduit le monde
à signer la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme des
Nations-Unies en 1948 et la Convention de Genève en 1949. Mais en même
temps, la CIA s’est mise en secret à développer de nouvelles techniques
ingénieuses de torture en violation des mêmes conventions
internationales.
De 1950 à 1962, la CIA a mené des recherches secrètes pour percer le
code de la conscience humaine, un véritable projet Manhattan (***) de
l’esprit qui a abouti à deux découvertes fondamentales pour une nouvelle
forme de torture psychologique. Au début des années 1950, pendant sa
collaboration avec la CIA, le fameux psychologue canadien, le docteur
Donald Hebb a découvert qu’en utilisant des lunettes goggles, des gants
et des cache-oreilles, il pouvait mettre les étudiants volontaires dans
un état proche de la psychose en les privant de stimulation sensorielle.
Au même moment, deux éminents physiciens du centre médical de
l’Université Cornell qui collaboraient aussi avec l’Agence, ont
découvert la technique de torture la plus effroyable utilisée par le
KGB, la police secrète soviétique ; elle consistait à forcer les
victimes à rester debout pendant des journées de suite de sorte que
leurs jambes enflaient douloureusement et qu’ils se mettaient à avoir
des hallucinations.
En 1963, après une décennie de recherches pour contrôler l’esprit, la
CIA a codifié ces découvertes dans un petit manuel secret
d’instructions, le manuel d’interrogatoire des services secrets KUBARK.
Il est devenu la base d’une nouvelle méthode de torture psychologique
qui s’est répandue dans le monde entier et dans la communauté des
services secrets étasuniens. Pour éviter d’être impliquée directement
dans la torture, la CIA a formé d’autres agences pour qu’elles fassent
le sale travail dans des prisons du Tiers Monde comme les fameuses
"cages à tigre" du Sud Vietnam.(...)
Suite à la visite du général Miller à la prison d’Abu Ghraib en
septembre 2003, le commandant étasunien d’Irak a donné l’ordre
d’utiliser la torture psychologique dans les prison étasuniennes de ce
pays, y compris la désorientation sensorielle, la douleur auto-infligée
et une innovation récente, l’humiliation culturelle par le contact avec
des chiens (qui selon les Américains est psychologiquement intolérable
pour les Arabes).
Après 10 ans d’intense débat public sur la torture, ces deux dernières
années, les Etats-Unis sont arrivés à un compromis politique
problématique sur la torture : impunité dans le pays, externalisation à
l’étranger.(...)
En attendant, assuré de l’impunité à l’intérieur du pays comme à
l’extérieur, Washington a glissé sur la pente dangereuse de la torture
pour se rendre compte, exactement comme les Français en Algérie dans les
années 1950, qu’au fond on sombre dans le naufrage moral des exécutions
extrajudiciaires. La torture systématique par les Français de milliers
d’Algériens pendant la Bataille d’Alger en 1957 a aussi engendré plus de
3000 "exécutions sommaires" pour éviter que "l’appareil judiciaire" ne
soit "engorgé," comme l’a expliqué un général français.
Tout aussi sinistrement, Washington a réagi aux scandales de torture
de l’ère Bush en optant, à la place d’arrêter les gens, pour des
assassinats aériens qui passent inaperçus. De 2005 à 2012, le nombre des
morts causés par des drones étasuniens au Pakistan est passé de zéro à
2400 (et continue d’augmenter) - un chiffre qui se rapproche d’une
manière choquante des 3000 assassinats français en Algérie. De plus, on
sait maintenant que le président lui-même ordonne des assassinats ciblés
par des drones au Pakistan, au Yémen et en Somalie, à partir d’une
"liste de personnes à tuer" secrète. Dans le même temps, son
administration n’a gardé qu’un suspect de terrorisme sous sa garde et
n’a pas envoyé un seul prisonnier de plus à Guantanamo, évitant de la
sorte l’engorgement de l’appareil judiciaire étasunien.
En l’absence d’enquêtes sérieuses et de réformes contraignantes,
l’assassinat est devenu pour les Etats-Unis la manière normale de faire
la guerre sans pour autant se priver du recours à l’externalisation.
Soyez-en sûrs, il y aura bientôt un autre scandale dans un autre donjon
emblématique de la lugubre procession historique de plus en plus longue
qui mène des "cages à tigre" du Sud Vietnam au "puits de sel"
d’Afghanistan en passant par le "trou" de Somalie. La prochaine fois, le
monde ne sera peut-être pas aussi compréhensif. Et comme les gens n’ont
pas oublié les photos de la prison d’Abu Ghraib, la prochaine fois, les
dégâts causés à l’autorité morale des Etats-Unis en tant que leader
mondial pourraient être plus graves et plus durables encore."
http://www.legrandsoir.info/les-etats-unis-et-la-torture-impunite-et-externalisation-tomdispatch-com.html
Il faut rappeler que les photos d’Abu Graib ont émergé grâce au courage d’un jeune whistleblower semblable à Bradley Manning, Joe Darby, qui a du depuis vivre avec sa famille dans la clandestinité.
http://en.wikipedia.org/wiki/Joe_Darby