Le Che, ange cruel, tombe de son piédestal
Des millions d’adolescents portent
encore des tee-shirts à l’effigie de Che Guevara, qu’ils assimilent à un
martyr. En fait, le Robespierre cubain était un tortionnaire illuminé et sans
pitié.
FACE à la mort,
il avait paniqué, ce qui prouve qu’il était humain, du moins lorsqu’il
s’agissait de lui. « Ne tirez pas ! Je suis Che Guevara ! Je
vaux davantage vivant que mort ! », s’était-il écrié, ce
8 octobre 1967, lorsqu’il fut capturé par les soldats boliviens, dans le
canyon de Yuro. Le lendemain, c’était il y a quarante ans exactement, l’ordre
tombait : le capitaine de la CIA, Felix I. Rodriguez, devait faire
exécuter son prisonnier, qui ressemblait à un mendiant couvert de guenilles. « Il
est devenu blanc comme une feuille de papier. Je n’ai jamais vu de ma vie un
homme dans un tel état », se souvient celui qui traqua le Che des mois
durant.
Paravent des
illusions
À une heure
vingt de l’après-midi, un soldat bolivien, saoul, tira des rafales de
mitraillette, il assassina le Che. Les Boliviens voulaient l’abattre à tout
prix. Les Américains préféraient le garder vivant. Pour ne pas en faire un
martyr. Ce qu’il devint immédiatement.Dans l’île de
Cuba, en octobre 2007, les affiches géantes montrent toujours le visage
rayonnant du Che, qu’un vieillard pathétique de 81 ans, Fidel Castro, continue
d’utiliser comme paravent à ses illusions défuntes.Ces images
hantent le paysage alors que les 11 millions d’habitants de cette île,
claquemurés dans leur misère, quémandent quelques dollars à des touristes
émerveillés par ce décor de pacotille, ce lupanar pour tour-opérateurs sans
scrupule.
Le Che, et lui
seul, flotte encore au-dessus des débris de ce naufrage, comme un mythe
indestructible, alors que le Mur et l’URSS ont disparu depuis longtemps, que la
Chine tente vainement de réguler un protocapitalisme sauvage. Régis Debray, qui
partagea son combat, résume bien la situation : « On ne peut rien
contre les mythes. Son assassinat l’a transformé en archange, le glaive en
moins... »
Chien de garde
de Castro
La mort brutale
transforme l’homme en symbole oecuménique, les couturiers et les footballeurs à
la mode portent son effigie. Comme à une époque celle de Jim Morrison. Voici
pourtant l’heure de vérité pour le Che. Non, l’homme n’était pas un idéaliste
mort assassiné. Il avait été à Cuba le chien de garde de Fidel Castro.
L’exécuteur de ses basses oeuvres. Il avait des centaines de morts sur la
conscience. Il avait été « le boucher de Cabana », la prison de
La Havane, avant d’être métamorphosé en martyr désarmé. L’homme fumait ses
havanes en assistant aux exécutions de ses victimes, en compagnie d’invités. « N’utilisez
pas les méthodes bourgeoises légales. Les preuves sont secondaires »,
ordonne-t-il.
Plusieurs
ouvrages sont publiés, Le plus accablant est celui de
Jacobo Machover . L’auteur, qui a lu « l’oeuvre » du Che,
constate : « Rien de plus dogmatique que ces textes où la plus
grande orthodoxie politique le dispute à une pulsion effrénée de la
mort. » Au-delà du personnage de poudre et de sang, c’est peut-être
cette mystique de la mort, ce goût morbide pour un retour au chaos originel qui
fascine tant de jeunes dans le personnage du Che. L’ange était un démon, et sa
pulsion la destruction.
« La
Face cachée du Che », par Jacobo Machover (Buchet-Chastel)