Ami-camarade Loki,
Rapidement moi aussi.
Regarde impérativement le dernier épisode (le 22), ce sera un bon prétexte
donné à ceux qui veulent railler mon échec, je le livre absolument à nu aux
charognards avec l’aigreur qui va avec, qu’ils en profitent, mais toi, comme
quelques autres, j’espère que cet épisode te touchera. Tu me diras.
Quant à ce que tu dis
sur le fait d’être en avance sur l’époque, je copie-colle ce que je réponds à
ça dans mon premier roman (évidemment, ça ne s’adresse pas à toi, ou plus
exactement, ça s’adresse avant tout à toi mais ce n’est pas du tout contre toi
bien sûr) :
"Pourquoi
l’excellence, lorsqu’elle est morte, vous est infiniment plus sympathique que
lorsqu’elle survit, malgré vous ? Comprenez-moi bien, que vous ayez mauvais
goût aujourd’hui, c’est votre problème. Mais comment se fait-il que vous ayez
si bon goût trente, cinquante, cent ans après ? Comment écouter Ferré, et, le
même jour, Juliette ? Pourquoi est-il impossible d’exposer aujourd’hui un
tableau un tant soit peu violent dans une galerie parisienne, quand partout
fleurissent des copies serviles de Picasso ou de Bacon ? Pourquoi les sales
petits cons mauvais qui jouent du Dario Fo au Festival Off d’Avignon et qui
joueront J’veux être Grand et Beau dans vingt ans, crachent et tapent sur
Vaquette dans la rue ? Pourquoi ne lisez-vous plus Paul Bourget, lui que vous
avez adulé et couvert d’honneurs, de distinctions, pendant que Léon Bloy
mendiait devant sa porte de quoi enterrer son père ? Parce que vous avez changé
? vous avez progressé ? vous vous êtes amendés même ? – vous y croyez, vous ?
Ou bien alors, parce que la société est – vous voyez, on y revient – et que les
artistes (je parle de nous, pas de mes navrants collègues bien sûr) sont en
avance sur leur temps (souvenez-vous, c’est la formulation qui excuse) : un
artiste est un artiste quand il a transformé le public, non ? Au bout du
compte, vous n’avez rien à vous reprocher, vous faites pour le mieux – on ne
pouvait pas savoir ! Ça ne vous rappelle rien cela ? Quand on ne sait pas, on
ne dit pas, ou alors, on demande. On ne pouvait pas savoir ? Si, on pouvait, la
preuve, moi, je sais, vous n’aviez qu’à me demander."
Bien à toi,
Vaquette