Je ne suis pas vraiment surpris. En juin 2009, lors de la présentation du projet "NATAL" de Microsoft qui allait devenir la console Kinect que l’on connait, j’avais fait parvenir au courrier de lecteurs de Marianne le texte suivant, qui n’a pas eu de suite d’ailleurs.
Projet
"NATAL", ou quand les murs ont …des.yeux et des
oreilles
Il y a peu, le 5 juin pour être précis, était présenté
en pré-ouverture du salon du jeu de Los Angeles la toute dernière innovation de
Microsoft, le projet « Natal ».
Cet acronyme mystérieux constitue en fait une véritable
révolution dans l’univers des consoles de jeux. Se matérialisant sous la forme
d’un petit boitier équipé de 2 caméras à infrarouge et d’un microphone, on
assiste ici à une approche inédite de la communication homme/machine.
En effet, profitant des progrès fulgurants accomplis
dans les domaines des processeurs et de l’intelligence artificielle, Microsoft
présente une interface unique capable d’analyser en temps réel la morphologie,
les mouvements, l’expression faciale et même les paroles de celui ou celle qui
se présente devant elle.
Tout cette technologie est tournée vers des objectifs
ludiques bien sûr, que cela soit pour lancer des ballons virtuels, piloter une
voiture confortablement assis sur son canapé et tournant un volant invisible ou
encore répondre à « question pour un champion » en appuyant sur un buzzer
imaginaire et en répondant à voix haute à la question posé, laquelle sera
immédiatement validé ou infirmé par votre console.
La démonstration disponible sur internet est tout à fait
impressionnante et les premiers essais réalisés par des journalistes confirment
cela d’autant plus que cette interface ne nécessite aucun apprentissage, ni
vocal, ni gestuel. Indéniablement, le travail fourni par les ingénieurs de
Microsoft est tout à fait remarquable et laisse augurer un succès
planétaire.
Laissons vagabonder notre imagination et projetons-nous
dans un futur proche, très proche même ou l’ensemble des capacités de cette
interface sera exploité dans notre quotidien.
Assis tranquillement sur votre canapé, vous tournez la
tête vers votre télévision et dites, le plus naturellement du
monde :
-
Appel Bertrand
Votre téléviseur s’allume et, quelques instants plus
tard, l’image de votre interlocuteur apparaît, épluchant des pommes de terre
dans sa cuisine.
-
Alors, ça avance cette purée ! lui
lancez-vous sur un ton narquois
Maintenant, imaginez vous regardant une émission
culturelle ou les références des intervenants nécessitent quelques
approfondissements. Tout en suivant l’émission, vous demandez
négligemment
-
Internet, recherche, Dadaïsme
Une fenêtre s’ouvre en superposition partielle de votre
émission, avec, sur la page de votre moteur de recherche favori, le résultat de
votre requête. Vous faites défiler les différents paragraphes de votre article
d’un doigt négligemment levé ou baissé, vous accrochez une image avec l’index,
vous l’agrandissez en mettant votre index et votre pouce en opposition, puis en
les écartant.
Je laisse imaginer à chacun ce que cela peut apporter
dans son cadre professionnel ou privé avec, a terme, la disparition programmée
de nos bons vieux claviers et commandes de console.
Oui tout cela sera là d’ici cinq ans tout au plus mais
il convient de regarder plus loin et d’anticiper dès aujourd’hui les
utilisations détournées qui pourraient être faites d’un tel équipement. Il ne
s’agit nullement d’alimenter une quelconque paranoïa rétrograde mais simplement
d’être lucide car, s’il est vrai que notre téléphone peut faire l’objet
d’écoutes, que notre mobile permet de nous localiser au mètre prés, que notre
ordinateur peut-être piraté, que notre adresse IP permet de savoir tout ce que
vous écrivez, ce que vous consultez sur le net, il ne fait aucun doute qu’un tel
outil est, pour tout service de renseignement ou hacker animé d’intentions
malsaines, une véritable mine d’or.
Il s’agit ni plus ni moins que des yeux et des oreilles
disposées en plein cœur de la cellule familiale, avec le consentement tacite et
l’argent de cette dernière. Imaginez la jubilation de la DST, CIA, MI5 ou autres services
équivalents devant les chiffres de ventes mirobolants que promet cette
interface. Cette jubilation pourrait-être comparée à celle qu’ont du ressentir
les as du marketing lors du changement de cycle savamment orchestré ou, de
publicité pour les marques, les marques devinrent publicité.
Car nous ne résisterons pas devant cette intuitivité
d’accès à l’information, la communication, les jeux, les services et, de cette
multitude de « Small brothers » que nous aurons accueillis dans nos cuisines,
nos salons, nos chambres, Georges Orwell, du fond de son tombeau d’Abingdon,
sera sidéré de constater que, loin de la soumission qu’impose un diktat
autoritaire et sans partage, c’est en toute liberté que nous aurons été les
artisans de notre propre surveillance et donc à terme, de notre
servitude.