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Joe Chip Joe Chip 20 janvier 2014 16:13


Bedos n’a pas compris qu’il n’y avait pas de milieu tempéré dans le domaine du politiquement correct. Et il n’a pas compris - ou il fait semblant de ne pas comprendre - que les "assocs" n’évaluaient pas le contexte idéologique des mots (l’énoncé) mais les mots en eux-mêmes, en tant que véhicule d’un signifié objectif, dans le sens orwellien du terme. Autrement dit, elles militent pour interdire des mots du vocabulaire au nom de la tolérance, du vivre-ensemble et du respect du politiquement correct, si bien qu’à la fin du processus, seul un noir pourra revendiquer ironiquement le mot "nègre" et seul un juif pourra commettre des blagues douteuses sur Hitler ou la Shoah.

Bref, il s’agit d’un paradigme auquel on adhère (volontairement ou involontairement) ou que l’on rejette intégralement, dans les limites posées par la loi. Mais ce serait trop facile, et en effet merveilleux, si lui et d’autres comiques installés (Guillon) pouvaient revendiquer un "bon" politiquement incorrect à visée antiraciste (le fait même d’en revenir toujours à ce thème révélant bien l’ambiguïté de la démarche) tandis que d’autres, supposément mal intentionnés, se rendraient coupable de se vautrer dans la facilité des stéréotypes et le "mauvais" politiquement incorrect en s’attaquant à des sujets plus sensibles ou à des communautés mieux protégées.

Bedos demande en réalité un traitement à la tête du client - sous prétexte que, lui, Nicolas Bedos, serait un antiraciste insoupçonnable - et une liberté d’expression à géométrie variable définie selon des critères purement subjectifs relevant d’une pédagogie par le rire ou de l’explication didactique. Les comiques passent désormais leur temps à décortiquer leurs sketchs et à se justifier de leurs "intentions". 
  
Or, Bedos, à l’instar de son père, adore le didactisme de gauche qui conduit invariablement à s’exprimer au nom des autres, dans la représentation de ce qu’il(s) croi(en)t être leurs intérêts, et, évidemment, toujours dans leur propre bien.

Ca n’effleure pas l’esprit de Bedos que les "nègres" sont peut-être las, comme les catholiques, de devoir supporter ce "bon" politiquement incorrect à visée prétendument antiraciste, en restant bonnard en toutes circonstances, sous peine d’en prendre une deuxième couche façon prof de lycée ("vous n’avez rien compris, je réexplique") et d’être traités, en quelques sorte, de mauvaises victimes. La bonne victime étant celle qui accepte de déléguer l’expression de son malaise et de sa souffrance à un tiers auto-désigné, en l’occurrence, le fils Bedos, qui reprend le flambeau familial de la lutte contre le racisme congénitale de la majorité.
 
Un peu comme s’il expliquait à des Juifs qu’il fallait à tout prix se battre pour imposer le mot "youtre" dans toutes les écoles de France, par conviction antiraciste. Ah, pardon : il ne lui viendrait même pas à l’idée de le proposer... parce que là, il y a "l’évènement" qui ferait obstacle.

Bedos a quand même dit qu’il voulait lutter pour sauvegarder le mot "feuj", c’est à dire le verlan de "juif" qui, comme chacun sait, contient une charge raciste à peu près équivalente à celle, incontestable, des mots "nègre" et "bougnoule".

C’est quand même plus simple avec les "nègres"... Et, bien évidemment, il n’y a aucune trace de paternalisme condescendant chez ce pourfendeur de la bêtise raciste ordinaire (du blanc).

Je comprends malgré tout ces Antillais qui se lassent de devoir tolérer patiemment le "bon politiquement incorrect validé par les médias et les Bedos" tandis que le même type d’humour tourné vers des cibles plus difficiles (juifs, arabes) tombe alors sous les oukazes de la "bienpensance". 

Encore une fois, l’objectif du politiquement correct est de lutter contre les mots et l’utilisation symptomatique des mots, pas de produire une étude circonstanciée du contexte d’énonciation qui permettrait de trier les gentils et les méchants selon des critères de pensée faisant l’objet d’un consensus normatif.

Il est évident que Bedos, totalement accaparé par son personnage de cabot narcissique, et toujours enclin à produire des commentaires de ses sketchs à l’usage des imbéciles qui n’ont pas la décence de comprendre la saine ironie de sa démarche antiraciste (à la différence d’un Desproges qui rajoutait une dose de cynisme amusé quand on lui demandait si, quand même, il n’avait pas l’impression d’avoir franchi une limite), ne pourra sans doute jamais comprendre que ce n’est pas ou plus à lui qu’il revient d’énoncer, dans un monde dominé par le "politiquement correct", ce qu’un Antillais est censé comprendre, du point de vue de la stratégie antiraciste, lorsqu’il ironise sur les clichés coloniaux et "l’indolence des nègres".  




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