Comme nous divergeons sur beaucoup de choses, nos échanges n’en
sont que plus intéressants. Malheureusement, de mon côté aussi, le temps
manque. Je ne retiendrai donc – rapidement – que deux points de votre dernier
message, l’un au début – que vous reprenez en partie à la fin - , l’autre à la
fin.
Vous écrivez « J’aimerais tout de même vous dire que je pense que ce sont les
bonnes institutions politiques qui font le bon citoyen. »
Gustave Le Bon, que je pratique beaucoup, estimait, à l’inverse, que ce
sont les « bons peuples » qui se dotent de bonnes institutions. Dans
les « Lois psychologiques de l’évolution des peuples » -
téléchargeables en ligne -, il écrit :
« L’Amérique du Sud est, au point de vue de ses productions
naturelles, une des plus riches contrées du globe. Deux fois grande comme
l’Europe et dix fois moins peuplée, la terre n’y manque pas et est, pour ainsi
dire, à la disposition de tous. Sa population dominante, d’origine espagnole,
est divisée en nombreuses républiques : Argentine, Brésilienne, Chilienne,
Péruvienne, etc. Toutes ont adopté la constitution politique des États-Unis, et
vivent par conséquent sous des lois identiques. Eh bien, par ce fait seul que
la race est différente et manque des qualités fondamentales que possède celle
qui peuple les États-Unis, toutes ces républiques, sans une seule exception,
sont perpétuellement en proie à la plus sanglante anarchie, et, malgré les
richesses étonnantes de leur sol, sombrent les unes après les autres dans les
dilapidations de toute sorte, la faillite et le despotisme. »
Dans le même ouvrage, il écrit encore _ : « Rien assurément, si l’on ne s’en tient qu’aux
apparences, n’est plus différent de l’ancien régime que celui créé par notre
grande Révolution. En réalité pourtant, et sans s’en douter certes, elle n’a
fait que continuer la tradition royale, en achevant l’œuvre de centralisation
commencée par la monarchie depuis quelques siècles. » avant d’expliciter
son affirmation dans un développement (pp. 87-88)qu’il serait un peu long de reproduire
ici.
J’ajouterai simplement qu’à
mon avis, et dans le prolongement de Le Bon, l’élection du président de la
République au suffrage universel correspond au monarchisme foncier des Français.
Et je m’étonnerai encore du fait que certains de ceux qui prétendent restituer
au peuple un pouvoir qu’il n’a jamais eu, envisage de supprimer cette institution
en se gardant bien de dire qu’il soumettrait ce changement au peuple. Pour cette
raison toute simple que tout leur projet implique la suppression de l’élection
présidentielle. Ce n’est pas la moindre contradiction de leur projet.
« …seul le peuple peut porter le bon sens au niveau politique. »
Je ne vous étonnerai pas en disant que je ne crois pas plus au bon sens du peuple, qu’à celui des élites.
En mars 1936, Hitler décidait de remilitariser la Rhénanie. Il était
tellement peu sûr de son affaire qu’il n’y a risqué que trois bataillons de
soldats (environ 2000 hommes) dont les armes n’étaient pas chargées et qui
avaient ordre de se replier vite fait bien fait, si la France réagissait militairement.
La France n’a pas bougé, mais il n’est pas interdit d’imaginer qu’un Parlement de demeurés aurait peut-être décidé de répondre à la force par la
force, changeant sans doute ainsi complètement l’histoire non seulement de l’Europe
mais aussi de la planète tout entière, en réduisant Hitler à une image de
grande gueule velléitaire, qui ne se serait certainement jamais remise de ce
camouflet. Lui-même pensait qu’un échec aurait mis un terme à sa carrière d’homme
d’Etat et d’homme politique.
Au lieu de cela, le parlement était formé de notables, universitaires
pour la plupart, intelligents, cultivés, « raisonnables », de bon sens… On connait
la suite. Et ce sera tout pour aujourd’hui.