• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV Mobile


En réponse à :


2 votes
Joe Chip Joe Chip 7 février 2014 05:17

Il est sympathique ce Lordon, mais les 5% de croissance par an durant les 30 glorieuses s’expliquent par des facteurs historiques, démographiques et énergétiques qui n’ont pas grand chose à voir avec la politique menée dans la mesure où celle-ci a eu le mérite d’entretenir cette dynamique, ce qui est le rôle du politique en phase de croissance. Des infrastructures à construire, une population jeune, qui - on l’oublie souvent - travaillait parfois six jours sur sept au début des années 60, pour un salaire relativement faible (ce sera une des principales revendications de mai 68), des ouvriers et des paysans durs à la tâche qui claquaient 5 ou 10 ans après leur départ en retraite, un pétrole et une électricité bon marché, une concurrence mondiale faible avec les deux tiers de l’humanité n’ayant pas encore connu la révolution industrielle, etc. Nous sommes aujourd’hui dans la configuration pratiquement inverse en dépit de l’augmentation de la productivité : pas d’infrastructure à construire (et pas les moyens pour en construire...), une population vieillissante, une explosion des dépenses sociales corrélative à l’augmentation de la durée de la vie et à l’installation du chômage de masse, une énergie chère, une concurrence internationale féroce et, cerise sur le gâteau, une dette hymalayesque...

Il me paraît à la rigueur plus intelligent de faire la pédagogie de la décroissance plutôt que de spéculer sur l’arrêt de la bourse... Et dans ce cas, on doit alors écouter toutes les idées "iconoclastes", et notamment les arguments de ceux qui réclament la suppression pure et simple de l’impôt sur le revenu, qui peut d’ailleurs se défendre d’un point de vue de gauche (mais peut-être pas de celle de Lordon). 

Idem il prétend dénoncer le libéralisme mais ne fait que contester en réalité la partie "libre circulation des capitaux", tombant dans le même piège symétrique que les libéraux-conservateurs ou les nationaux-libéraux souhaitant tourner le dos au libertarisme des décennies passés ainsi qu’à la libre circulation des personnes sans pour autant toucher, bien entendu, au capital voyageur et au libre échange.
 
En outre, sa théorie de la "dépossession" des thèmes de gauche par l’extrême-droite est un sommet de nunucherie politique puisqu’il est tout à fait évident, pour tous les observateurs honnêtes, que c’est la gauche socialiste elle-même, dans son ensemble, qui s’est dépossédée des outils et des valeurs qui étaient les siens depuis la fin du XIXème siècle pour se réapproprier les thèmes émancipateurs historiques de la gauche libérale - l’individualisme issu des Lumières - entre temps passés à droite du côté du capital, qui était plutôt à la base une émanation de l’Etat, de la patrie, de la cause nationale...

L’extrême-droite n’a rien volé du tout, elle n’a eu qu’à se pencher pour ramasser dans le caniveau les thèmes de la nation et de la défense de la communauté nationale.

Enfin, la manière dont il relie le "droit" à la nationalité au "devoir le plus fondamental" du consentement fiscal, afin de justifier la régularisation massive des clandestins (en s’appuyant sur un texte constitutionnel qui, par ailleurs, n’a jamais été appliqué, substituant à la souveraineté nationale le concept plus flou de souveraineté populaire) pose inversement la question du sort à réserver à ceux qui ne seraient plus en mesure de s’acquitter de leur "devoir fiscal" : selon Lordon, faudrait-il donc déchoir de leur nationalité, au même titre que les Depardieu et Cahuzac, les chômeurs longue durée, les handicapés, les improductifs, les oisifs ? On voit bien à quelle aberration conduirait une telle idée, appliquée schématiquement, et on retrouve ici la notion révolutionnaire originelle de la citoyenneté issue du droit positif qui distingue précisément des catégories de citoyens hiérarchisées en fonction de leur "implication" dans la société. Le droit ici n’est plus dans l’individu, mais dans l’Etat qui en formule les critères. Conception qui peut paraître formellement plus égalitaire en première analyse, mais qui contient les germes d’une dérive totalitaire ("les faux-citoyens sont des boulets, sortons les de la communauté nationale").
  




Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON