Sarkozy-Kadhafi :
la vérité qu’ils veulent étouffer.
Une
corruption étrangère au plus haut niveau de la République.
Pour étouffer une information, il suffit de ne pas la reprendre.
Et le degré d’intensité d’une démocratie se donne à voir dans
ces renoncements où des journalistes oublient qu’ils en sont aussi
les acteurs et les gardiens, par leur respect sans concession du
droit de savoir des citoyens. Il faut donc que la démocratie
française soit bien mal en point pour que soit tue la révélation
qu’un collège d’experts a authentifié sans aucune réserve un
document planifiant une corruption étrangère au plus haut niveau de
la République.
Comme nous l’expliquions dans notre article du 14 novembre (le
retrouver ici), les trois experts judiciaires mandatés par les
juges Cros et Legrand, renforcés par l’expertise d’une
arabisante, ont comparé à celle du document en cause plusieurs
signatures de l’ancien chef des services libyens qui avait été
entendu par les magistrats au Qatar où il s’est réfugié. Leur
conclusion est sans appel : toutes ces signatures sont de la
même main, celle de Moussa Koussa. Ce document dont ce dernier
confiait déjà, sur procès-verbal, que « son origine, son
contenu » n’étaient « pas faux », ne
l’est donc pas non plus par sa signature qui est authentique.
Autrement dit, l’un de ceux dont Nicolas Sarkozy et son
entourage brandissaient le démenti lors de la révélation du
document (c’est
à retrouver ici) est aujourd’hui confondu par la justice
française comme étant bien le signataire de cette attestation de
l’accord secret franco-libyen.
Bref, la procédure calomnieuse lancée par l’ancien président
contre Mediapart se retourne brutalement contre lui : le faux
qu’il évoquait, de meeting en meeting, pour se présenter en
persécuté de médias fraudeurs et de juges inquisiteurs, se révèle
tout simplement vrai comme nous l’affirmions, attestant ainsi d’un
des plus gros scandales qu’ait connus la République au niveau de
responsabilité qui fut le sien.
Dans une démocratie vivante, une telle information s’imposerait
évidemment à toute notre vie publique. Les agences de presse, et
notamment l’AFP qui remplit une mission de service public auprès
de ses abonnés parmi lesquels la presse régionale, l’auraient
relayée, faisant savoir qu’une expertise judiciaire confirme
l’authenticité d’un document accablant pour l’ex-président de
la République. Les autres médias auraient suivi, assaillant de
questions Nicolas Sarkozy et son entourage. Et le monde politique,
dans sa diversité, aurait été invité à réagir et à commenter.
Au lieu de cela, rien. Rien de rien. Le lourd silence des
démocraties affaissées et affaiblies, ayant renoncé à être
exigeantes avec elles-mêmes.
Sauf à lire Mediapart ou à suivre les réseaux sociaux (voir
sous l’onglet « Prolonger » la protestation de Fabrice
Arfi, plébiscitée par les internautes), nos concitoyens ne
sauront pas que le long feuilleton de l’affaire libyenne a connu un
épisode judiciaire décisif qui donne crédit à notre enquête et
conforte les faits de corruption qu’elle a mis au jour.
Il faut parfois se battre pour qu’une information qui dérange
des intérêts et des pouvoirs fasse son chemin dans l’espace
public. C’est dans cet esprit que, destinataire à mon domicile,
par courrier recommandé des deux juges d’instruction, d’une
« notification des conclusions d’expertise »,
j’ai choisi d’en rendre public in extenso le contenu (allégé
des annexes).
C’est une information d’intérêt public sur un scandale
d’État. La voici :
http://www.mediapart.fr/journal/france/171114/sarkozy-kadhafi-la-verite-qu-ils-veulent-etouffer?page_article=2