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Joe Chip Joe Chip 18 avril 2015 03:15

Cette intervention n’a rien de délirante ni d’exagérément cynique. C’est au contraire une excellente synthèse historique qui démontre une excellente connaissance de la "tectonique des plaques" en Europe et qui confirme par ailleurs les analyses prémonitoires d’Emmanuel Todd au sujet de l’Allemagne. Todd qu’il était de bon ton de railler et qui pourtant disait exactement la même chose sur les ambiguïtés allemandes et le fait que la "question allemande" n’avait en réalité jamais été résolue, ni par les grands conflits européens ni par la réunification au début des années 90.

On voit très bien que les Allemands sont à nouveau saisi par l’hubris de la domination continentale (un député s’est enthousiasmé encore récemment : "Enfin ! L’Europe aujourd’hui parle allemand") mais qu’ils continuent de se heurter au paradoxe fondateur de leur politique étrangère depuis près de deux siècles, bien repéré par Friedman, et qui tient dans une incapacité à s’assumer géopolitiquement comme la puissance européenne dominante, imposant sa loi à toutes les autres de manière légitime. Dans cette ambiguïté se noue une politique étrangère hésitante, qui balance au gré des circonstances entre l’est et l’ouest, entre expansionnisme continental ("l’espace vital") et repli culturel (la pensée volkisch). L’Allemagne est un corps géopolitique comprimé au milieu de l’Europe.

S’il a toujours manqué à la France la puissance économique nécessaire pour matérialiser sa vocation universelle (de la "fille aînée de l’Eglise" à "la patrie des droits de l’homme"), la puissance allemande est clairement limitée par son manque d’accès à l’universel qui résulte d’une identité linguistico-ethnique trop homogène, et donc trop bien fixée pour accepter de se "dématérialiser" et de confondre son essence avec le monde extérieur (au contraire de la France ou des USA par exemple).

Cela valide aussi les analyses de De Gaulle et Mitterrand qui voulaient à tout prix arrimer l’Allemagne à la France dans le cadre européen afin d’empêcher que l’Allemagne ne dérive trop à l’ouest (dans les années 60, grand souci de la politique gaulienne) et trop à l’est (à partir de la réunification 80, grande préoccupation mitterrandienne). C’est malheureusement cette crainte qui a conduit Mitterrand à accepter un compromis politiquement catastrophique sur la monnaie - en donnant à l’euro la valeur du mark - qui a eu pour effet principal d’arrimer la France à l’Allemagne...

Donc Friedman a raison. Personne ne sait ce que veut vraiment faire l’Allemagne, dont la machine industrielle aura sans doute du mal à se passer durablement du réservoir énergétique russe.

La seule vraie solution pour créer une véritable Europe européenne, et non pas un ersatz politique contrôlé de l’extérieur, à la fois indépendante de la puissance maritime américaine et de la puissance tellurique russe, serait de reconstruire l’unité carolingienne dont la France (Francie Occidentale) et l’Allemagne (Francie Orientale) sont les filles historiques.
La France apporterait son ouverture culturelle et géopolitique unique puisqu’elle relie, par son territoire, non seulement toutes les régions d’Europe entre elles, mais également l’Atlantique à la Méditerranée et l’Europe du Nord à l’Afrique, tandis que l’Allemagne constituerait le moteur industriel de cette Europe cohérente, qui ne serait plus le terrain de jeu des crapules du Luxembourg et des lobbyistes belges.

Car comme Zemmour le disait également avec justesse : la question du traité de Verdun (843) n’a toujours pas été résolue.
 
C’est la seule manière de s’inventer un avenir européen qui ne ressemble pas à celui de Friedman ou de Poutine, qui sont les deux faces de la même pièce, Américains et Russes souhaitant en réalité se tailler la part du lion en Europe, comme à l’époque de la guerre froide. Le piège de la rivalité mimétique... C’est sûrement ainsi qu’il faut interpréter les propos de Poutine lorsque celui-ci déclarait récemment : "Les Américains croient avoir gagné la guerre froide".  

Malheureusement, de nombreux signes laissent à penser que les Allemands pensent encore une fois pouvoir dominer en solo... ce qui se terminerait inéluctablement comme les fois précédentes.




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