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Rounga Rounga 11 février 2016 10:28

@micnet

"L’homme est en même temps totalement libre et totalement prédestiné"

Si l’on cherche à éliminer l’un des 2 facteurs afin de trouver une explication compréhensible pour notre esprit, on dénature le message biblique.

Je crois effectivement que la clef est là. Certains philosophes ont essayé d’élucider ce paradoxe. Pour Kant, nous sommes entièrement déterminés au niveau du phénomène, mais entièrement libres du point de vue de la chose en soi ; pour Bergson nous sommes entièrement déterminés si nous considérons les choses sous le point de vue de l’espace, mais libres du point de vue de la durée ; pour Sartre nous sommes "condamnés à être libres", ce qui est une autre formulation du paradoxe ci-dessus.
Et puis comme il faudrait toujours terminer un commentaire en citant Léon Bloy, je m’exécute :

« Vous me parlez de points obscurs pour vous, « le dogme de l’enfer, l’irrévocabilité de la damnation, la prédestination et la réprobation à concilier avec le libre arbitre » Tous ces points de foi, aussi tridenlins les uns que les autres, puisqu’ils ont tous été fixés par le concile de Trente, ne sont pas moins obscurs pour moi que pour vous, et j’ose dire qu’ils le sont pour tout le monde. Mais il ne le sont pas plus que n’importe quel axiome de géométrie élémentaire ou de telle autre science qu’il vous plaira. Quand on dit, par exemple, que le « tout est plus grand que la partie », si, dans la même minute, je pense à l’Eucharistie, je me trouve en face de la plus contestable des évidences. Ainsi de tout. Nous sommes dans les ténèbres et voilà ce que l’orgueil n’accorde pas. La Foi seule est claire et c’est pour cela que l’Orgueil, prince des Ténèbres, la repousse, ayant l’horrible prétention d’être cru lui-même la Lumière. La Foi seule est certaine, qu’avons-nous besoin d’autre chose ?
Vous voudriez comprendre comment la prescience de Dieu peut se concilier avec la liberté humaine. Ah ! pour moi, c’est bien simple. C’est comme si vous me disiez que vous ne comprenez pas comment l’idée du nombre trente peut se concilier avec l’idée du nombre cinq multiplié par le nombre six, ce que je ne comprends pas davantage. Je sais, sans pouvoir le comprendre, que la prescience divine et la liberté humaine n’ont aucun besoin d’être conciliées parce qu’elles sont exactement, absolument, essentiellement et substantiellement la MEME CHOSE. Vous voudriez comprendre et vous vous croyez ambitieux ! Vous ne voyez pas qu’il vaut mieux savoir que comprendre. Vous avez étudié je ne sais quelles sciences naturelles pour en arriver à l’ignorance totale de ce rudiment de l’unique Science ! Autrefois, du temps des Saints, au sublime Treizième Siècle surtout qui fut l’apogée de l’esprit humain, les enfants même n’avaient pas la permission d’ignorer que le rôle unique, infiniment glorieux de la raison, c’est de croire et que croire c’est savoir, savoir EN HAUT. Le reste découlait de là, le plus simplement du monde. Aussi les plus ordinaires paroles des gens d’alors produisent-elles en nous l’éblouissement, quand nous les lisons dans les chroniques. Aujourd’hui, on s’imagine que la raison consiste à expliquer des théorèmes ou à conditionner des catalogues. On dit d’un homme qu’il est raisonnable, comme les putains disent d’un client qu’il est sérieux. Nous ne pourrions même plus faire de bons esclaves, tant nous sommes devenus imbéciles. 
Cor Jésu sacratissimum, miserere nobis. Au sujet du conflit apparent des deux libertés, lisez les dernières lignes de la page 248 du Mendiant. Je m’ennuie de toujours écrire les mêmes choses. Un homme intelligent, un ingénieur, expliquera très-bien que deux parallèles ne peuvent pas se couper à angle droit. Un pauvre homme incapable de comprendre quoi que ce soit et ne faisant usage que de sa raison, SAURA, sans pouvoir l’expliquer, qu’il en est ainsi et qu’il a fallu, absolument, que les deux parallèles se rencontrassent pour que le monde fût sauvé. On ne démontre que le contingent, et cette démonstration est la besogne des esclaves. Le Nécessaire, c’est-à-dire l’Absolu, c’est-à-dire l’Eblouissement, est indémontrable, et les Amis de Dieu sont assis dans des demeures impossibles à concevoir dont ils n’auront jamais le souci d’étudier l’architecture. »

Léon Bloy, Mon Journal




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