@yoananda
Tu soulèves des
questions difficiles. Il faudrait les poser à un maître spirituel.
Ce que je peux te dire, à mon petit
niveau, c’est que l’idée que tu te fais d’un maître spirituel comme étant
quelqu’un qui punit est fausse. Un maître peut se montrer très dur avec son
disciple, de même qu’un entraîneur peut se montrer dur avec ses joueurs. Mais c’est
dans le cadre d’un engagement libre
du disciple ou du joueur. Ils sont libres de renoncer à cet engagement s’ils ne
souhaitent plus continuer. Oublie l’observateur. Le maître et l’entraîneur ne
font qu’indiquer et mettre en oeuvre les moyens d’atteindre le but que le
disciple ou le joueur ont librement choisi.
Le gus n’exerce donc pas un pouvoir au
sens où tu l’entends. Le meilleur exemple que je puisse te donner c’est celui
du bouddhisme. Dans la tradition, il était très difficile de se faire accepter
comme disciple. Le postulant essuyait plusieurs refus et était laissé plusieurs
jours devant le monastère jusqu’à ce qu’enfin on lui ouvre la porte. Le cas le
plus extrême fut celui d’un patriarche de la lignée du zen chinois, le ch’an,
qui voulait que Bodhidharma l’accepte comme disciple. J’ai oublié son nom.
Selon la légende, devant tant de refus de la part de Bodhidharma, il se serait
coupé un bras pour prouver sa sincérité.
Dans la littérature et dans le cinéma tu
peux puiser d’autres exemples. Quand Luke veut rejoindre ses amis en danger
alors que sa formation de jedi n’est pas terminée, Yoda ne s’y oppose pas.
Si un gus ou une foule vient
demander conseil au sage, par exemple, pour savoir s’ils doivent faire une
guerre, ou s’il faut mettre telle loi en place... on ne peut pas dire qu’il
interfère avec leur libre arbitre non ?
Tu veux dire qu’il leur impose son choix ?
Jamais un maître ne ferait une chose pareille. Je pense qu’il leur indiquerait
les choix qui se présentent à eux avec leurs conséquences. Et même s’il cherchait
à les convaincre qu’un choix est préférable à un autre, je pense qu’il les
laisserait faire leur propre choix. Je pense qu’il insisterait sur les notions
d’interdépendance et de compassion : puis-je être heureux si d’autres sont
malheureux ?
Avec l’exercice du pouvoir tel que pratiqué
actuellement qui consiste à amasser du pouvoir au détriment des gens, oui,
c’est sûr.
Mais si ce sont des disciples qui demandent conseil
pour eux et sur la manière de s’organiser, alors, je pense qu’on peut dire que
non, ce n’est pas incompatible, et à priori, (même si c’est utopique), rien
n’interdit que ça se fasse à l’échelle de la nation ou même de la planète.
Je vois où tu veux en venir. Ce que tu
as à l‘esprit, c’est un conseil des sages à la manière des sages de Sion dans
le film Matrix. Tu remarqueras au passage que Morpheus n’a pas été puni par eux
pour sa désobéissance. Si on prend un autre exemple, dans La Guerre des
Etoiles, le conseil des Jedi n’est pas détenteur du pouvoir politique, même s’il
a une grande influence.
Vu comme ça, ce n’est pas incompatible.
Mais il faut garder à l’esprit deux choses essentielles. La première est qu’une
telle société est pour le moment utopique car elle suppose un niveau assez
évolué d’évolution spirituelle : n’étant pas basée sur la contrainte
politique mais, pour faire court, sur le savoir spirituel, elle nécessite la
pleine adhésion de ses membres. Et on en revient à la nécessité d’une évolution
des individus (le travail pour se changer soi-même pour changer le monde). La
deuxième est qu’une nation, ou une civilisation, très évoluée sur le plan
spirituel, doit avoir une technologie égale ou supérieure aux agresseurs potentiels.
Et là on en revient à la nécessité de devoir développer les moyens de se
défendre, donc d’avoir des hommes politiques prêts à faire des compromis
moralement pas très propres, sans quoi la société « idéale » (je
préfère dire spirituellement très évoluée) ne pourra pas advenir car elle sera
détruite avant.