• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV Mobile


En réponse à :


27 votes
Joe Chip Joe Chip 4 novembre 2017 09:28

L’ouvrage de Stéphane Courtois pâtit un peu de son titre racoleur mais il ne faut pas oublier que c’est un ouvrage collectif sur lequel ont travaillé des historiens spécialistes de tous les pays concernés. On peut aussi évoquer l’idéologie personnelle du directeur de l’ouvrage comme un facteur rédhibitoire, ou dire que l’ouvrage s’inscrit dans un contexte de "triomphe" du capitalisme, ou en constitue un symptôme, mais à ce titre on devrait écarter dogmatiquement sa thèse sur le génocide vendéen (que je ne partage pas forcément mais qui est légitime) et aussi bon nombre de travaux d’historiens sous prétexte qu’ils chercheraient à véhiculer une idéologie sous le paravent de l’analyse historique. Que cela soit avéré ou non, on ne peut pas se dispenser d’une lecture neutre et attentive. 

Mais encore une fois, il faudrait pour cela lire les livres au lieu de se contenter de se faire une opinion à partir de fiches de lectures et d’analyses glanées sur le web. 

Il faut rappeler aussi que l’ouvrage a été accueilli favorablement par un trop grand nombre d’historiens à travers le monde pour être qualifié de peu rigoureux ou trop subjectif. Près de 1000 pages contenant les travaux d’historiens qui ont parfois consacré des années à leur sujet, on ne peut pas simplement les écarter d’un revers de la main en s’arrêtant arbitrairement sur ce chiffre de 100 millions qui par lui-même ne veut pas dire grand-chose et vise surtout à marquer les consciences.   

Par exemple, l’apport des travaux minutieux de Nicolas Werth sur les archives du système soviétique et en particulier sur la période révolutionnaire (démontrant que la terreur était l’objet d’une programmation politique et dogmatique bien avant la guerre civile) ont été reconnus dans le monde entier, même par les historiens ne souscrivant pas à la thèse générale de l’ouvrage. 

Sur le fond, on ne peut pas nier dans chacun des pays concerné l’influence de l’idéologie communiste au sens large, tant sur le plan théorique (terreur, homme nouveau, messianisme... ) que concret (autoritarisme politique, aspects totalitaires liés au collectivisme). Le rapprochement avec le nazisme, très discutable, n’est pas complètement illégitime. Courtois fait remarquer que dans les régimes communistes le racisme de classe excluant et diabolisant une partie de la population produit des effets similaires au racisme dans l’idéologie nazie.
  
On ne peut surtout pas exonérer d’un bloc l’idéologie marxiste-léniniste des dévoiements tragiques qu’elle a provoqués ou inspirés, auxquelles elle a donné lieu ou dont elle a été le prétexte. Il faut se demander pourquoi autant d’autocrates sanguinaires ont pu se saisir de ce paradigme pour mener des "révolutions" qui ont terminé en bains de sang ou ont été récupéré à des fins strictement politiques. Il y a là un élément irréfragable, irrécusable, qui résiste à toute tentative de dénégation schématique du type "le communisme n’a rien à voir avec tout ça, ce chiffre est absurde, délirant, etc.". Ce qui est étonnant, c’est que les mêmes qui refusent d’envisager ce lien sont en général les premiers à réduire le capitalisme à des aspects simplistes et caricaturaux et à en faire la cause de tous les maux sur terre. 
  
On pourrait dire exactement la même chose de la révolution française : on ne peut pas faire comme si il n’y avait pas eu la Terreur ou les guerres napoléoniennes et en rester au programme "idéaliste" de 1789. C’est en refusant de mener cette réflexion critique qu’on ouvre justement la porte à ceux qui veulent faire de l’histoire une matière politique et binaire en soutenant des thèses aussi simplistes que celles qu’ils prétendent combattre (ex : passer de l’angélisme révolutionnaire robespierriste d’un Mélenchon au révisionnisme néo-traditionnaliste intégral de Sigaut). 

Il faudrait à ce titre passer un long moment à analyser l’aveuglement grotesque et jusqu’au-boutiste des "intellectuels" français qui se sont soit emmurés dans le 
déni, maintenant une fidélité fictive et passionnelle aux objectifs généraux du communisme et/ou aux régimes qui s’en réclamaient, quand ils n’effectuaient pas un aggiornamento radical - et en soi intellectuellement suspect - en passant du maoïsme intransigeant des années 70 à l’anti-communisme primaire des années 80, c’est à dire de Mao à Reagan, représentant les deux impérialismes qui se font aujourd’hui face.



Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON