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nephis 16 mars 2018 10:50

@Belenos & Gollum

L’état ultime n’est pas divin, ni non-divin. L’état ultime est l’état naturel, celui de Paramâtman, l’état advaitin (non duel). Il n’y a sujet, objet et relation, moi, monde et « dieu », cause suprême et autre superstructure gratuite, que dans le monde du mental, celui que la sorcière Mâyâ, le principe de mesure, de division et de multiplication, la surimposition quantitative. Le monde dominé par Mâyâ, qui est considérée comme synonyme de l’ignorance (avidyâ), véritable créatrice du monde, est le monde mental de la convention.

Le sanâtana dharma (autre nom de l’Hindouisme) est, au sens ultime, advaita, non-dualité (non-multiplicité, rejet des deux contraires, comme bien et mal, qui ne sont que des corrélations mutuellement dépendantes), ou, mieux, advaitîta, au-delà de l’advaita, car la non-dualité véritable ne s’oppose pas à la dualité ; la non-dualité, sans contraire, ne correspond pas au monisme, car l’un et le multiple sont corrélatifs. C’est ainsi que la gnose advaitine est polythéiste, car il est de la nature des devas (les lumineux), d’être multiples, l’unicité étant seulement l’isolement et l’absolutisation hérétique d’un élément. Âtman, le « Soi » — le mot signifie l’esprit, spiritus, parfois même le corps, et, plus fondamentalement, le Soi, car âtman est réfléchi ; âtman suffixé signifie fait de, matra — n’est ni « un », ni multiple. Paramâtman, qui n’est ni l’âtman extérieur (bahirâtman) ni l’âtman intérieur (antarâtman), ne ressortit ni au concept, ni au nombre. Il n’est ni n’est pas, il n’est pas ce que l’on connaît, il est ce par quoi on connaît — il est ainsi non pas l’objet de la gnose (jñâna), mais la Gnose même — il n’est pas un, il nest pas multiple. Le seul nombre qui lui convient est la négation de tous les nombres, leur « apaisement », zéro, conçu par les hindous (et les Mayas d’Amérique centrale).

L’hindouisme, de façon ultime, réellement, n’est ni théiste, ni humaniste, ni naturaliste, si sociétaliste : l’hindouisme est l’état naturel, sahaja nistha, Âtma Vâda. Aucune voie, aucun deva, aucun « ordre », n’a la moindre pertinence, s’il n’est vu comme Soi-Même (Âtma). Il n’y a ni individualisme, ni collectivisme, ni « archisme », ni anarchisme. L’aspirant qui suit une sadhana ne vise qu’à se débarasser de son « humanité » au profit de sa divinité, et de tout concept de possession, sans profit aucun. Moksa, libération, est la « finalité » de l’hindouisme ; et nous verrons que dans Shiva Darshana, plus encore que de Moksa, rupture des liens, il s’agit de Pratyabhijña, reconnaisance.

Sahaja nistha, l’état naturel, est l’état ultime, et n’est en rien un état « humain » ou « non-humain » ; cet état n’est pas l’état « dernier », car il est l’état premier. L’hindouisme, qui est le culte de l’état primordial, dans une lointaine antiquité, comme maintenant, considère que tout ce qui est « acquis » n’est qu’une surimposition (adhyaropa) regrettable. La Gnose est le profond état d’ignorance primordiale, parijñâna, la « connaissance sérieuse » de l’être (bhâva, asti) et du non-être (abhâva, nâsti) âtmajñâman, la connaissance du Soi, qui ne prévaut que lorsque la connaisance verbale et illusoire s’est tue, que lorsque le monde (l’objet, idam) a été « ôté » (hata, de hr, racine de Hara, nom de Shiva), que lorsque l’ego (aham, jîvâtman) a reconnu sa nullité. Cette connaissance sérieuse, cette « Docte Ignorance  », est l’inverse de la connaissance ignorante, de l’ignorance (avidyâ), la connaissance dualiste issue d’une identification erronée. Fonction de l’égo (ahamkâra), cette ignorance, a « créé » l’univers, une sorte de « programme virtuel ». La Connaissance Sérieuse n’est fonction de rien : elle est l’Âtman même. Lorsque qu’il n’y a plus ni sujet ni objet (corrélatifs, en dépendance mutuelle) le Soi « brille » (divyati), illuminant les dieux mêmes (deva).

Ainsi, l’advaita, la non-dualité, est l’Âtman même, le Soi. Le Soi est l’inverse du moi, Le moi est l’adhésion au corps — il est le fruit d’une surimposition ; il possède, car il prétend « être ». Le Soi, qui ne ressortit ni à l’étre ni au non-être, ne possède rien, car il n’a rien à posséder, ni à faire. Dans le Soi, il n’y a pas de choses, hors du Soi, il n’y a rien. Cela signifie : il n’y a ni extérieur, ni intérieur, ni commencement ni fin, et « rien » (non-chose) entre les deux.

Extrait de l’ouvrage Shivaïsme, de Bernard Dubant, pp. 15 et 16.




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