Le
spiritualisme et la Science
La doctrine philosophique qui a été le plus longtemps
en faveur c’est le spiritualisme, sorte de compromis entre la tradition
scientifique et la raison obscurcie.
Par un côté, par la tradition scientifique, elle se
rattache aux vérités premières, elle affirme un principe créateur, éternel,
universel. Par l’autre, par la raison privée des lumières de la science, dont
elle croit pouvoir se passer, elle s’éloigne de la conception vraie de ce
principe et s’égare dans toutes sortes de divagations. Nous avons vu le peu de
crédit qu’il faut accorder au rationalisme. Or, une doctrine qui ne s’appuie
que sur la raison au lieu de s’appuyer sur la science doit forcément tomber dans
l’erreur. C’est le cas du vieux spiritualisme. Non seulement il n’explique
rien, mais il ne peut rien expliquer et ses raisonnements manquent toujours de
base.
En effet, les spiritualistes affirment l’existence
d’un principe qu’ils sentent nécessaire, mais dont ils n’ont aucune idée nette,
un principe qui est, pour eux, un mystère, le mystère des mystères.
Il est certain qu’il ne faut pas essayer de démontrer
ce qu’on ne comprend pas. Encore moins faut-il essayer de prouver ce qu’on ne
peut pas démontrer.
Tant que la question de l’existence de Dieu
appartenait à la philosophie elle était, par cela même, placée en dehors du
champ de l’observation et de la démonstration. En la mettant sur le terrain de
la science on lui rend la possibilité d’être vérifiée et démontrée.
Le Dieu des spiritualistes est donc loin d’être un
Principe défini. C’est une conception qui prend la taille de l’esprit de celui
qui l’affirme. Tantôt mesquine jusqu’au ridicule, tantôt sublime jusqu’à la
folie, presque toujours vulgaire, souvent grotesque.
Dans les traditions philosophiques les plus élevées on
entend par Dieu « l’être » infini et absolu, « l’être » un et entier, tout «
l’être ». Cette façon d’envisager la question se rapproche de notre nouvelle
doctrine de la divinité ; mais elle en diffère en ce qu’elle manque de
précision et de clarté.
« L’être en soi », tout l’être, c’est l’Oxygène,
puisque l’être fini, l’être créé ne doit la vie qui l’anime qu’à la présence de
ce principe qui est, bien réellement, « l’être en soi ».
Beaucoup de spiritualistes ont affirmé qu’ils voient
Dieu « Dans l’admirable spectacle que nous offre la Nature. »
Ceux-là, encore, affirment la doctrine scientifique,
car, qu’est-ce que l’harmonie de la Nature, sinon le rapport qui existe entre
l’être créé et la force qui l’a créé, le lien qui unit la cause à l’effet, en
un mot, toutes les choses qui résultent des lois naturelles ?
Ce qui fait la beauté de la Nature c’est la vie sous
toutes ses formes ; c’est tout ce qui affecte nos sens d’une façon quelconque,
c’est la lumière qui nous éclaire et produit des ombres et des clartés d’un
effet enchanteur, c’est le son, origine de toutes les mélodies, ce sont les
saveurs, les odeurs qui nous impressionnent agréablement, c’est la pensée
spéculative qui plane par-dessus tout cela. Or, toutes ces choses sont l’œuvre
de l’Oxygène. C’est ce corps qui engendre la vie et l’entretien, c’est lui qui
donne à la plante sa forme, sa couleur, son parfum, c’est lui qui est le
principe de la lumière, de la chaleur, de l’électricité, du son, des odeurs.
Si vous supprimez tout cela, que reste-t-il de «
l’admirable spectacle de la Nature », que reste-t-il à la surface terrestre ?
Rien que des métaux inertes, sans eau, sans chaleur,
sans lumière ; le chaos, en un mot, c’est-à-dire l’absence d’organisation,
d’harmonie, de vie.
Voltaire disait « Si Dieu n’existait pas il
faudrait l’inventer. », après lui M. Acollas a démontré que « si
Dieu existait il faudrait le supprimer. ».
Et, cependant, tous les deux ont raison.
Si Dieu auquel Voltaire fait allusion, le principe de
vie, le principe organisateur de l’Univers, en un mot, l’Oxygène, n’existait
pas pour donner à la Nature son harmonie actuelle il faudrait inventer
l’Oxygène.
Mais si le Dieu auquel M. Acollas fait allusion, le
Dieu personnel, relégué hors du monde, sur le trône de sa déserte immensité,
comme disait M. Cousin, si ce Dieu inutile, inconnu et incognoscible, comme le
néant qu’il est, existait, il faudrait le supprimer, puisque son existence qui
n’a aucun objet, ne sert que de ferment de discorde entre les hommes.
C’est cette conception étroite de la divinité, c’est
ce Dieu personnel, qui trône dans le ciel en dehors de la Nature et montre
toutes les faiblesses de l’homme en même temps qu’il en a tous les attributs,
qui est la véritable cause de l’athéisme qui a envahi l’esprit public dans les
temps modernes.
Suite…