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Joe Chip Joe Chip 18 octobre 2018 11:15

@Belenos

@Qirotatif 

Les discours de Mélenchon sont truffées de références à la nation et à la "grande nation", il doit d’ailleurs être le seul homme politique français à utiliser encore cette expression périmée en France mais qui reste couramment employée en Allemagne pour désigner ironiquement la France. La "grande nation" correspond historiquement à la France centralisatrise aux frontières élargies - notamment sur le Rhin - issue de la Révolution Française (la "grande révolution") donc un germanophobe comme Mélenchon ne peut pas l’utiliser innocemment. 

Je ne sais pas si je le qualifierais de nationaliste mais le traiter de "natiophobe" n’a pas grand sens, sauf si on retient l’acception purement ethnique du mot ce qui est peut-être le cas de Qirroreur mais qui ne correspond pas à l’histoire française (c’est comme ça, la France n’est pas une nation ethnique à la manière de l’Allemagne).


Alors comment peut-on à ce point détester l’idée de nation (en réalité c’est l’idée même de nationalité qu’il déteste... celle-ci étant incarnée par des individus tandis que "nation" reste un concept) tout en sachant qu’il n’existe pas d’autre entité pouvant créer une communauté de destin ? 

Tu confonds la dimension politique et ethnique mais la nation était une "idée de gauche" jusqu’aux années 1870-80. Les légitimistes et les royalistes ultra exécraient ce concept synonyme de souveraineté nationale (et non plus de souveraineté du roi) et de "rousseauisme" comme le montrent ces lignes trouvées avec une recherche rapide sur un blog royaliste :

http://doctrineroyaliste.over-blog.com/article-17408164.html

Il faut remarquer que l’idée de nation n’est pas, en soi, royaliste. Au contraire, c’est un concept révolutionnaire. La meilleure preuve est que l’on a crié pour la première fois : « Vive la Nation ! » lors de la bataille de Valmy en 1792. Son origine se trouve chez Jean-Jacques Rousseau : c’est le champ de la mythique « volonté générale » chère à ce personnage, d’où découle ce que les constitutions républicaines appellent : la « souveraineté nationale ». 

En France, le traumatisme de la défaite de 1870 a inspiré un nationalisme défensif et "revanchard" qui a tourné le dos aux grands idéaux universalistes et à la nation "abstraite" de 1789 pour réhabiliter une définition "charnelle" de la nation. A partir de l’affaire Dreyfus, les Républicains, dont certains avaient soutenu le général Boulanger, se séparent formellement des nationalistes. La nation est devenue un concept "de droite". Il y a une évolution similaire sur la question du colonialisme : au départ c’est un projet impérial et républicain dénoncé par les nationalistes qui y voient une diversion et un affaiblissement face à l’Allemagne. Ils n’ont pas complètement tort car Bismarck se vante de tout faire pour pousser les Français à céder à leurs penchants universalistes grandioses - et d’y réussir - dans le but d’éclater la puissance française et de la disperser aux 4 coins de l’Empire. 

L’aventure coloniale française, qui sera plus tard vivement décriée par les autorités allemandes comprenant avec retard qu’elles ont raté leur expansion coloniale (période aujourd’hui connue comme "première mondialisation") est paradoxalement encouragée par les impériaux prussiens de l’époque qui saluent ironiquement les progrès civilisateurs de la "Grande Nation" en Afrique dès lors que cela la conduit à renoncer à toute idée de reprendre l’Alsace-Lorraine... L’historiographie contemporaine exagère beaucoup la portée du "revanchisme" dans la société française de l’époque. En réalité, conformément au souhait des élites allemandes, la plupart des Républicains ont renoncé à regarder vers la ligne bleue des Vosges. Le fameux "y penser toujours, n’en parler jamais" de Gambetta, souvent interprété à tort aujourd’hui comme la traduction politique de ce "revanchisme", ne fait que traduire le défaitisme de ces élites républicaines et le rationaliser ("pensons-y mais n’en faisons rien"). Les Républicains sont en fait contents avec l’Empire (à l’exception de certains républicains de gauche, comme Clémenceau). 

L’histoire des élites françaises "revanchardes" bien décidées à reprendre l’Alsace-Lorraine et qui auraient élevé une génération d’enfants dans le nationalisme et la xénophobie est manifestement une recréation de l’historiographie contemporaine (post seconde guerre mondiale). En réalité, quand la guerre éclate, personne n’est préparé, l’armée est totalement désorganisée, les soldats portent toujours les uniformes tricolores de la guerre de 1870 et le commandement applique encore des précepts stratégiques désuets qui vont devenir suicidaires (charge à la baïonnette). On part d’ailleurs se battre "la fleur au fusil" selon l’expression consacrée ce qui veut bien dire ce que cela veut dire. 

Bon, désolé, je me suis un peu égaré, mais parfois un peu d’histoire des idées ne fait pas de mal pour comprendre l’évolution de certains concepts...




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