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Joe Chip Joe Chip 14 décembre 2018 11:10

@Ozi

Je suis d’accord avec toi, de temps en temps il faut aussi savoir mettre de côté le messager (député LREM) et prendre en compte le message.
J’avoue être assez réservé sur le thème de la démocratie directe ; il en faudrait sans aucun doute plus au plan local afin de renforcer le sentiment des gens d’avoir une emprise direct sur leur environnement et les décisions qui sont prises. Des erreurs commises à cette échelle (commune, département voire région) se répercuteraient seulement sur le corps constitué qui en aurait pris la décision, et qui serait donc tenu d’en assumer directement les conséquences, ce qui contribuerait efficacement à diffuser le sentiment de responsabilité parmi les membres du corps politique, et donc à en renforcer la légitimité (en dernière instance bien comprise, comme dirait soralien). Le système serait pour l’essentiel vertueux, car pouvant facilement se corriger lui-même. 

Pour le dire rapidement, je ne suis pas du tout certain que ces vertus se retrouveraient automatiquement à l’échelon national au sujet de décisions lourdes portant sur des questions abstraites et complexes. La peine de mort est bien sûr l’exemple le plus emblématique, mais il y en a beaucoup d’autres qui poseraient des difficultés. 

Je crois au contraire que plus on s’élève dans la hiérarchie du pouvoir et plus c’est le problème de la légitimité des élites et des représentants qui se pose, davantage et de manière plus urgente à mon avis que celui de la représentativité, car il est situé en aval du système politique et démocratique, touchant à la sélection et à la formation intellectuelle des élites qui est essentiellement en France un processus de reproduction élitaire et castique.
Cette faible légitimité entraîne de nombreux problèmes car les "prolétaires" qui s’élèvent au sein de ce système présentent tous les signes d’une cooptation qui est d’autant plus difficile à identifier qu’elle se donne comme l’expression parfaite de la "méritocratie républicaine". Or, cette méthode de promotion individuelle, utilisée par les élites du monde entier depuis la nuit des temps pour diviser des populations ou les retourner contre elles-mêmes, renforce le sentiment d’allégeance et de dépendance des individus à l’égard du système qui les a coopté sur la base de la reconnaissance de leurs mérites. Cette perversion de l’idéal méritocratique est rarement identifiée en France. 
 
Les Anglais étaient passés maîtres dans cette application sociologique du "diviser pour régner", cooptant dans chaque pays qu’il colonisait une élite intellectuelle, sociale et culturelle qu’ils couvraient de bienfaits (fortune, éducation dans les meilleurs établissements londoniens...) pour asseoir partout les intérêts de la couronne britannique et surtout du commerce anglais. Le système néolibéral actuel n’est que la poursuite de ce modèle débarrassé de sa composante nationaliste (puisqu’entre temps le monde anglo-saxon est devenu la "mondialisation", même s’il est de plus en plus concurrencé par la Chine). C’est évident à travers des institutions comme le FMI, l’OMC, voire l’UE... 
Les Français, au contraire, partaient de la base en tentant d’assimiler culturellement les populations colonisées à travers la langue, l’éducation, la médecine... Ce système universel, plus égalitaire sur le papier, a produit une série d’effets retors dont nous payons encore aujourd’hui les conséquences, puisque ce sont paradoxalement et de manière quasi-systématique la base de la population qui s’est retournée contre la France dans les colonies. Ca explique aussi les difficultés de sortie du modèle colonial dans le monde francophone puisque l’imprégnation culturelle et sociale a été beaucoup plus profonde que dans les colonies anglaises où seules les élites cooptées étaient "anglicisées".
  
Bref, cette digression juste pour montrer l’importance fondamentale du mode de sélection élitaire. 

Enfin, je ne vais pas mentir, je ne crois pas être excessivement démocrate de tempérament. Il me paraît sur le plan philosophique que la liberté est intimement liée au sentiment aristocratique, raison pour laquelle on continue de l’opposer idéologiquement à l’égalité (qui elle, est d’origine indubitablement démocratique). 

D’ailleurs, cette affirmation politique de la liberté n’apparaît pas historiquement au sein du peuple, mais au au sein de l’aristocratie, et en particulier de l’aristocratie franque. On a ainsi longtemps parlé en France, et notamment tout au long du XVIIIème siècle, des "libertés germaniques" qui auraient légitimité les privilèges historiques dont jouissaient l’aristocratie en tant qu’elle était ou plutôt se percevait comme l’héritière des Francs :

https://www.wikiberal.org/wiki/Libertés_germaniques 

Pour certains théoriciens, le libéralisme lui-même tiendrait son origine dans ce système des libertés germaniques, bien plus que dans la tradition romaniste, civiliste et chrétienne (comme l’affirme par exemple Alain de Benoist) 

Et au lendemain de la Révolution on trouvera de nombreux intellectuels, et pas forcément les plus réactionnaires, pour regretter avec nostalgie les "libertés de l’Ancien Régime" et encore plus le fait qu’elles aient été détruites par la Révolution au lieu d’être apportées et transmises au peuple.




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