« Les Kurdes auraient dû dès le départ composer avec
Damas »
------> Ça
c’est le point de vue d’un défenseur du régime Baasiste en place en Syrie. Changeons un moment de perspective et empruntons
celle des Kurdes.
Pour
commencer, le PYD n’est pas indépendantiste et ne se considère même pas comme
Kurde ( même si dans les faits, les Kurdes en constituent la force dominante).
Dans les zones sous son contrôle et qui dépasse largement les zones peuplées de
Kurdes, ils ont recrutés
diverses ethnies au sein de leurs forces armées ( FDS), dont de nombreux arabes ( toutes
les communautés ont leurs propres unités militaires intégrées aux FDS) et ont fait
le choix d’associer toutes les communautés au partage des ressources et du
pouvoir (elles sont toutes représentées dans des proportions équitables au sein
des instances politiques du Rojava). Le projet du PYD n’est pas de constituer
un Etat nation Kurde mais de mettre en place un projet politique libertaire
communaliste très imprégné d’idées autogestionnaires, localistes, féministes et
démocratiques ( dans le sens authentique du terme ).
Ce système
politique mit en place dans le Rojava est très loin d’être parfait, il contient
de nombreuses difficultés que les acteurs locaux tentent de résoudre, il ne
faut pas l’idéaliser, cependant il est fondamentalement
opposé aux structures oligarchiques, centralisatrices et autoritaristes du
régime en place à Damas. On ne va quand même pas faire le reproche à des gens
qui sont épris d’idéaux émancipateurs, authentiquement progressistes et
démocratiques de ne pas s’être soumis dès le départ à un régime héréditaire mit
en place par un dictateur militaire et dont la politique, depuis l’arrivée de
Bachar, est favorable quasi exclusivement à la grande bourgeoisie syrienne. Il
est logique que le PYD n’ait aucune sympathie pour ce régime, c’est comme l’eau
et l’huile, ces deux systèmes sont incompatibles.
L’objectif
stratégique du PYD était la mise en place en Syrie d’une architecture
institutionnelle fédérale et décentralisatrice qui puisse permettre la
survie du système qu’ils ont mis en place, et cela passe bien
évidemment par une constitution qui octroierait une certaine autonomie aux zones
qu’il contrôle. Au contraire, l’objectif de Damas est de ramener l’ensemble du
territoire syrien dans le giron du régime. Le gouvernement syrien s’oppose donc
naturellement à cette demande d’autonomie qu’il perçoit comme un danger et
considère que le fédéralisme, dans un pays si divisé sur le plan communautaire
et tribal, mènerait à une partition à court terme. Pour atteindre son objectif,
le PYD était donc dans l’obligation d’engager un rapport de force avec les
dirigeants syriens pour les contraindre à accepter cette autonomie. Pour que le
rapport de force lui soit favorable, il fallait des gages territoriaux
pour mieux négocier, pour gagner ces territoires il fallait une force
militaire et pour avoir des armes il avait besoin des américains. Le PYD est
très pragmatique, il savait très bien que les américains allaient l’ abandonner, il s’est servit des américains tout comme les américains se sont
servi de lui ( les américains ont utilisé les FDS pour couper l’arc chiite), c’est une alliance tactique. La seule chose que les stratèges du PYD n’avaient
pas prévu, c’est que les américains les abandonneraient si tôt, ils pensaient
qu’ils ne les lâcheraient pas tant que les iraniens et les miliciens du Hezbollah
seraient présents en Syrie, ça c’était une erreur de calcul mais elle était
difficilement prévisible.
Voilà la raison
pour laquelle les Kurdes ne pouvaient pas composer dès le départ avec Damas.