@Laconicus
Ce n’est clairement
pas ainsi que je vois la France idéale. Puisqu’on en vient à parler d’idéalisme,
je partage les idéaux de personnes qui m’ont forgé intellectuellement tels que Rousseau,
Machiavel et d’autres, pour moi une société idéale serait celle dans laquelle
les individus seraient animés par l’amour de leur patrie, unis par une
solidarité collective et vivraient ensemble harmonieusement. Et évidemment, un
tel résultat ne pourrait être obtenu que par la parfaite unicité des mœurs, une
telle société n’aurait pour ainsi dire pas besoin de lois. Dans la France idéale
telle que je la conçois, tous les citoyens seraient frères, égaux et ne
reconnaitraient aucun maitre ( en ce sens je rejette l’idéal de la République de
Platon qui participe aussi de ces utopies d’unicité de la cité mais avec une
dimension hiérarchique et totalitaire qui me répugne). Cette France serait forte
et absolument réfractaire à la subversion de ses ennemis.
Seulement, c’est
là une utopie, entre la société telle que se présente à nous et la société
telle que nous voudrions qu’elle soit, il y’a un gouffre. Et il y’a quelque
chose qu’il faut vite comprendre si on veut pénétrer dans l’univers du réalisme
politique, les politiques qui réussissent sont celles qui savent s’adapter au
monde tel qu’il se présente à nous, en revanche celles qui persistent à vouloir
élargir la réalité aux dimensions de leur rêve échouent. La pulsion qui
consiste à vouloir transformer le monde pour lui donner la forme idéale qu’on a
construit dans son propre esprit n’est pas seulement inutile, elle est dangereuse
et à l’origine de nombreuses catastrophes humaines. Moi les idéalistes me font
peur. Cela ne veut pas dire que les idéaux ne servent à rien, ils sont importants
et représentent en quelque sorte des phares incandescents qu’on voit au loin,
que nous n’atteindrons jamais mais qui éclairent nos actions politiques.
Et dans
notre monde, particulièrement dans les sociétés qui contiennent une grande
masse d’individus, l’homogénéité communautaire, l’identité et l’idéologie
unitaire au sein d’un corps politique n’existe pas. Les sociétés sont
hétérogènes, divisées en groupe sociaux, idéologiques, ethno-communautaires
distincts et traversées par des conflits. Et concernant la France, les
politiques d’immigration massive débiles qui ont eu lieu depuis des décennies n’a
fait qu’aggraver ces divisions. Et il faudrait vraiment vivre dans un monde
parallèle pour considérer que le pays ne changerait pas par l’arrivée de
plusieurs millions d’individus venant d’autres contrées.
Une fois ce
cadre posé, est ce que votre description, celle d’une France soit un pays où
plusieurs communautés religieuses ( ou non ) cohabitent tranquillement et
visiblement sans que cela pose de problème de séparatisme communautaire dans
les intersections républicaines où il s’agit pour chacun de se comporter en bon
citoyen de la même nation, est-il le pire des scénarios ? Existe-t-il des scénarios alternatifs ? Si oui, lesquels ? Si on veut être prudent, il y’a deux solutions :
-Soit on éradique, le plus rapidement et
férocement possible, ce qu’on considère être une faction ennemie de la nation, pour qu’elle ne se
retourne pas un jour contre la communauté nationale.
-Soit, on essaie de
réellement intégrer tous les individus à notre société et ça peut déboucher sur
votre scénario.
-Mais les demi-mesures qui consistent faire subir des vexations politico-juridiques
sont les pires car elles peuvent engendrer à long terme d’une menace
véritablement existentielle qui n’est pas aujourd’hui. Chercher à contrôler les corps, les pensées, les comportements par des
mesures juridiques est la pire solution qu’il soit si on veut que les forces
centripètes l’emportent. Non seulement, cela débouchera sur une société
détestable pour tout le monde tellement elle ne laissera plus de marges aux
libertés individuelles mais en plus, c’est la meilleure manière pour que ceux
qui sont ciblés par ces mesures se sentent persécutés et finissent par faire
réellement communauté à part et allégeance à des puissances hostiles, c’est un
effet pervers prévisible qui, ceci dit en passant, constituait la stratégie de
l’EI, lorsque cette organisation a réalisé des tueries sur notre territoire, ce
n’était pas juste pour le plaisir de tuer des gens, il y’avait un objectif
stratégique derrière.
Je prends
acte de l’hétérogénéité, l’art politique ne consiste pas à fantasmer sur une soi-disant
concorde naturelle mais à surmonter les conflits. Et il ne faut pas
s’illusionner, il faut travailler durement pour arriver à un modus vivendi, et
celui-ci ne se maintient pas éternellement, c’est une lutte de chaque instant
qui requiert en permanence des efforts politiques collectifs et des
talents politiques individuels.
Je considère que s’il y’a réellement une lutte sociale à mener pour que
les forces centripètes l’emportent sur les forces centrifuges, elle doit avant
tout être culturelle ( et vous avez donné des pistes plus haut sur l’éducation
pour ne prendre que cet exemple).