Sinon, je
pensais jusqu’à très récemment que l’augmentation des flux démographiques et
des échelles impliquait nécessairement l’éclosion d’une pyramide hiérarchique.
Par ailleurs, c’est aussi ce que montre l’histoire, d’où la conviction que j’ai
exprimé dans
cet article. Mais j’ai découvert il n’y a peu des formes d’organisation
collaborative comme l’ucratie, la stimergie et autres qui peuvent fonctionner à
grande échelle et qui remettent en question mes certitudes. Contrairement à ce
qu’on peut penser intuitivement, la pyramide hiérarchique ou l’égalitarisme ne
sont pas les deux seules formes d’organisation sociales existantes.
Concernant l’autorité,
je recommande l’analyse
de Yann Martin qui permet selon moi de bien faire la part des choses. Il distingue
autorité et pouvoir. Il définit le pouvoir comme le commandement structuré
socialement et partagé en fonction hiérarchique, c’est en quelque sorte
l’exercice de la volonté de puissance d’un acteur sur un autre et il institue
une relation de domination entre le supérieur et l’inférieur hiérarchique qui
aboutit à l’assujettissement de ce dernier. L’autorité par contre substitue aux
relations de domination propre au pouvoir, des relations de subordination : celui
qui parle avec autorité est celui qui n’a pas besoin d’élever la voix, celui
qui agit avec autorité est celui qui n’a pas besoin de forcer les événements, il
suffit qu’il parle et on écoute sa parole, il suffit qu’il oriente, qu’il dise
ce qu’il faut faire et on fait comme il dit. Alors que le pouvoir s’exerce de
haut en bas puisque le dominant impose son pouvoir au dominé, l’autorité quant
à elle s’exerce de bas en haut puisqu’elle n’existe que si elle est reconnue
par celui sur qui elle s’exerce : n’a autorité que celui à qui on donne
autorité.
Dans le cas
du pouvoir, la persuasion et la contrainte sont centrales. Pour ce qui est de l’autorité,
ces deux paramètres n’existent pas. Cette distinction permet de ne pas tomber
dans une confusion très fréquente : lorsqu’on dit que les communautés paléolithiques
n’étaient pas hiérarchiques, on parle du pouvoir et non de l’autorité. L’autorité
existe dans toutes les communautés humaines. Cependant, ce n’est pas le cas de
la relation coercitive commandement /obéissance que Yann Martin définit comme
le pouvoir. Il ne faut donc pas confondre la subordination d’un enfant vis-à-vis
de ses parents, d’un élève vis-à-vis de son professeur ou de chasseurs cueilleurs
nomades vis-à-vis de leur sorcier ou chamane avec la domination qu’exerce un
chef militaire sur ses troupes ou un maitre vis-à-vis de ses serfs et esclaves.