Comme cela était à prévoir ( sauf par une portion de la sphère
pseudo-dissente qui croyait dur comme fer à une alliance structurelle sur le
long terme entre la Turquie et la Russie alors qu’elle n’était que
conjoncturelle et de court terme) , le torchon brule entre Moscou et Ankara
dans le règlement de la question d’Idlib.
Et c’était facile à prévoir car les finalités des parties en présence
divergent :
-Damas n’a jamais fait mystère de son objectif de reconquérir chaque
parcelle du territoire syrien
-Ankara a dû renoncer à son objectif de renversement du régime bassiste
pour le substituer par un régime sous la coupe des frères musulmans qui lui
serait vassalisé mais meme si Erdogan a dû revoir ses ambitions à la baisse, il
n’a pas renoncé à l’idée d’installer ses pions islamistes au sein d’un
gouvernement d’union nationale syrien. Mais pour atteindre cet objectif, il
faut peser dans les négociations et pour peser dans les négociations, il faut
un rapport de force militaire favorable, précisément ce que Damas est entrain
de renverser sur le terrain à Idlib, ce qui a forcé la Turquie à intervenir
directement en concentrant ses troupes et en exigeant le retrait de celles de
Damas.
-Encore une fois, la Russie reste maitresse du jeu mais est dans une
situation fragile : si elle soutient Damas, elle ne peut pas se permettre
de s’aliéner Ankara car cela attiserait ce conflit dont elle veut sortir. Tout
va maintenant dépendre des capacités de médiation de Moscou qui devra faire
assoir Damas et Ankara sur une meme table et parvenir à un consensus. Mais ça,
ce n’est pas gagné, d’autant plus que les puissances occidentales vont
maintenant profiter de la fragilité de l’alliance turquo-russe pour attiser les
dissensions.
Erdogan essaie maintenant de s’appuyer sur les puissances occidentales
pour tordre le bras à Poutine mais c’est un jeu très dangereux car Moscou
pourrait à son tour, de concert avec Damas, jouer la carte Kurde contre la
Turquie pour tordre le bras à Erdogan.
A terme, Poutine pourrait proposer à Erdogan un échange de bon procédé
du style " Ecoute mon poto, nous on est prêt à lâcher totalement les
Kurdes et meme à détruire complètement leur appareil politico-militaire.
Tu vois, on fera le sale boulot à ta place, tu ne perdras pas un seul homme et
tu n’auras pas à t’inquiéter des menaces de sanctions venant des occidentaux.
Mais en échange, tu dégages tes troupes d’Idlib et tu nous laisse exploser tes
marionnettes islamistes à la moyenâgeuse dans le plus grand des calmes.
T’inquiète, pour les déplacés, tu n’auras qu’à fermer ta frontière et une fois
la reconquête terminée, tu pourras déverser dans la zone les réfugiés syriens
présent en Turquie. Tu pourras toujours présenter la fin de la menace kurde sur
ton flanc sud à ton opinion publique échaudé par la crise économique comme une
grande victoire de la Turquie. T’as vu ? C’est à prendre ou à
laisser, frère".