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Joe Chip Joe Chip 12 mars 2020 11:58

Je reproduis des passages d’une excellente interview de Coralie Delaume publiée sur le site du figaro :


https://www.lefigaro.fr/vox/politique/coralie-delaume-un-choc-externe-pourrait-provoquer-l-eclatement-de-l-union-europeenne-20200311


Ce qui se joue avec l’épidémie de coronavirus est décisif. Ce pourrait être « l’accident industriel » qui révèle l’incurie du système, un peu comme Tchernobyl a révélé celle du soviétisme. Elle pourrait invalider les présupposés du néolibéralisme et de l’européisme, l’Union européenne n’étant que la mise en œuvre la plus poussée, à l’échelle continentale, de l’idéologie néolibérale. Comme le dit le philosophe italien Diego Fusaro  : « on nous a dit que les frontières devaient être abattues. Que le privé était meilleur que le public. Que l’État était le mal. Que les hôpitaux devaient être fermés pour des raisons économiques (…) il aura suffi d’un virus pour montrer la fausseté du néolibéralisme ».

De fait, les effets de l’austérité néolibérale n’ont pas tardé à se faire sentir en Italie. Un article de La Croix qui a beaucoup ému, rapporte les paroles terribles de médecins italiens. Ils expliquent que faute de moyens suffisants, ils doivent choisir de soigner en priorité les patients susceptibles de survivre, quitte à sacrifier les autres. Un rapport de la fondazione Gimbe de décembre 2019 indique qu’en dix ans, l’Italie a réduit ses dépenses hospitalières de 37 milliards et fermé 70 000 lits. Les hôpitaux manquent de bras, au point que le gouvernement du pays a publié un décret visant à permettre l’embauche en urgence de 20 000 soignants. C’est énorme, ce qui laisse penser que le déficit en personnel du système de soins l’est aussi. Mais que dire de notre propre situation ? L’interminable grève des urgences et les témoignages de médecins sur leurs conditions de travail nous ont appris qu’en France, l’hôpital public est à bout...


Il faut savoir que cette pénurie au niveau de l’offre médicale n’est pas du tout le fruit des circonstances ni même d’une mauvaise gestion mais bien le produit de l’application concertée de l’idéologie néolibérale dans les services publics, selon laquelle une "offre" médicale trop importance - définie comme égale ou supérieure aux besoins théoriques  contribuerait à ancrer des "mauvais réflexes" chez le consommateur de services médicaux en alimentant une demande de soins jugés "artificielle", exponentielle et non-nécessaire. En clair, d’un point de vue néolibéral, c’est le fait de mettre à la disposition de la population générale des services de santé adéquats qui est en soi générateur de déficits. Il faut donc substituer à cette culture de la demande une culture de l’offre comme on l’a fait de manière plus générale dans l’économie, et instituer une culture de la bonne gestion ("bonnes pratiques") consistant à réduire l’offre médicale (par des coupes budgétaires, matériel non remplacé, diminution de personnels, etc.) afin d’initier un "cercle vertueux" qui fera diminuer la demande par effet rétroactif, permettant ainsi de justifier le postulat initial (offre médicale trop importante par rapport à un niveau supposé optimal).


C’est cette même idéologie de la pénurie planifiée qui a permis depuis 30 ans de justifier la destruction des services publics, grâce au découplage de l’offre et de la demande de soins, et la baisse des financements (la fameuse "rationalisation") en réponse à des dysfonctionnements induits par un modèle théorique erroné. 

Cette crise est une des premières qui permet de révéler sans aucune ambiguïté les effets sociaux désastreux produits par cette idéologie néolibérale qui fonctionne en vase clos pour valider ses propres présupposés théoriques, et qui propose ensuite ses "solutions" pour résoudre les dysfonctionnements qu’elle a elle-même contribué à engendrer.




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