@micnet
« Est-ce
que la sécurité doit primer sur les libertés fondamentales ? »
------> Excellente question.
« Voilà
typiquement un exemple de question dont le choix ne concerne pas une quelconque
"expertise" mais fait au contraire appel à un choix d’ordre politique
et même philosophique ».
------> Exactement.
J’avais fait
part de mon opinion à ce sujet sur un autre topic et mon opinion est la
suivante : en soi, l’extension des pouvoirs de l’exécutif est justifiable
face à une menace exceptionnelle. De l’autre côté, il existe chez tout
gouvernement une tendance inexorable à la pente glissante vers une
centralisation oligarchique et vers une restriction des droits individuels, et c’est pourquoi l’extension
de ces pouvoirs peut impacter le fonctionnement de l’Etat de façon pérenne.
Il y’a là
une tension évidente entre sécurité et liberté et la dialectique qui permet de
résoudre cette contradiction, c’est le paradigme de l’exception qui est un
grand classique du républicanisme : un gouvernement doit pouvoir
être doté de pouvoirs exceptionnels mais seulement sous certaines conditions :
-La première
est que l’extension de ces pouvoirs soit momentanée. Ce gouvernement d’exception
doit être limité dans le temps et son mandat prolongé seulement sous certaines
conditions à respecter de façon stricte.
-Une autre
condition est que le gouvernement d’exception doit être soumis durant son
mandat à un pouvoir qui le dépasse et sur lequel il n’a aucune prise ( pour
moi, ce ne peut être que le pouvoir constituant tel qu’Etienne Chouard l’entend,
pendant l’exercice de son mandat, le gouvernement d’exception doit être sous le
contrôle du pouvoir constituant qui doit s’assurer qu’il n’enfreint pas la
constitution, avec le droit de le démettre en cas de manquement).
- Il faut
être certain que la collectivité fait face à une menace exceptionnelle et
imminente qu’aucune mesure de droit commun ne peut résorber. Il ne faut pas que
ces pouvoirs exceptionnels soient créés par le gouvernement lui-même ou par une
oligarchie en roue libre (c’est ainsi que selon moi , pour s’assurer que le
régime d’exception ne sera pas mis en œuvre arbitrairement, seul le pouvoir constituant
peut déclarer l’état d’exception et lui seul doit s’assurer que les
circonstances l’exigent).
-Après
l’exercice de son mandat d’exception, le gouvernement doit rendre des comptes
détaillés de son action et ses membres doivent être sanctionnés en cas d’abus
avérés.
Sans cela,
l’état d’exception est condamné à se maintenir de façon pérenne et à pourrir en
tyrannie. J’ai un tempérament très libéral et suis extrêmement attaché aux
droits individuels et il me semble que le paradigme de l’exception est un bon
compromis entre leur maintien et la sécurité publique. Ainsi, l’enjeu n’est pas
d’avoir un Etat fort, mais qu’il sache être fort au bon moment. Et c’est en
temps d’exception que doit se manifester le plus visiblement la souveraineté de
l’Etat.
Il n’est
donc pas question dans ce paradigme de trancher de façon absolue et définitive
entre sécurité et liberté : il faut que les libertés soient maintenues , mais on peut accepter leur restriction momentanément pour
faire face à une menace exceptionnelle. Montesquieu, qui approuvait les institutions
d’exception, expliquait que dans ce cadre les citoyens ne perdraient leur
liberté pour un temps que pour la conserver pour toujours.