@Jean Robin contre Fantômette
Ces derniers
temps, je me retrouve de plus en plus à être d’accord avec vous, c’est surprenant.
Il me semble peu pertinent de nier le génie militaire de Napoléon, même s’il a en effet hérité de l’outil militaire ( dont il était le produit) le plus performant
du monde et pas seulement sur le plan de la force morale mais aussi de
la technique et de la doctrine. Sans parler de son œuvre civile évidemment.
« Napoléon
eut dû se contenter de la rive gauche du Rhin, ne pas chercher à dominer
politiquement l’Europe puisque nous la dominions culturellement déjà »
Sur ce point, l’avis de Bainville me semble très pertinent,
il n’avait pas le choix.
Pour les
révolutionnaires, la monarchie des Bourbons ne tirait sa légitimité que d’une
organisation sociale et politique issue des invasions franques. Pour
délégitimer l’ordre monarchique, il était donc nécessaire de replacer les
origines de la France avant les conquêtes franques, c’est-à-dire au moment de
la Gaule romaine. Dès ce moment dans les esprits , la monarchie des Bourbons s’identifiait
aux frontières de 1789 tandis que la révolution s’identifiait aux anciennes
frontières de la Gaule, ce qu’on nomme « les frontières naturelles ».
L’identification du nouveau régime aux frontières naturelles va pousser les
révolutionnaires à revendiquer la rive gauche du Rhin et la Belgique, qui
faisaient toutes deux parties de l’ancienne Gaule. Toute la politique de la
France depuis 1792 sera dès lors de contraindre l’Europe à lui reconnaître ces
territoires. Seulement, l’Angleterre ne pouvait pas laisser la France annexer
la Belgique puisque les ports belges, surtout celui d’Anvers, étaient les
principaux points d’entrée des marchandises anglaises, la France
révolutionnaire était donc condamnée à mener une guerre perpétuelle jusqu’à la
défaite définitive des anglais qui n’ont eu de cesse de monter des coalitions
en Europe.
Napoléon va hériter de ce problème des frontières naturelles :
son règne n’avait pas comme les Bourbons 1000 ans de légitimité capétienne, il
devait toute sa légitimité à cette guerre révolutionnaire qu’il l’avait porté
au pouvoir, il ne pouvait fonder sa monarchie qu’en protégeant l’héritage
territorial de la Révolution, renoncer aux frontières naturelles aurait
été renier la pierre angulaire sur laquelle reposait toute sa légitimité. Etant
dans l’incapacité de conquérir l’Angleterre, Napoléon dégaina alors l’arme du
blocus continental pour fermer les ports de l’ensemble du continent aux produit
anglais. Donc , pour protéger la Belgique et la rive gauche du Rhin , il devait
envahir toute l’Europe, ce qui l’a obligé à mener dans des guerres perpétuelles
jusqu’à la défaite.
Bien sûr ,
il y’a d’autres facteurs qui expliquent ces guerres napoléoniennes mais la
perspective explorée par Bainville est fort intéressante.