Brrrr...j’en ai les cheveux qui s’idriss sur la tête...

— Norman ?

— Oui Norman...ne te gêne pas, hein...

— Elle est nulle ta vanne, Norman...tirée par les cheveux, si j’ose dire...

— La tienne est désopilante, bravo Norman...

— Que t’arrive t-il, Norman.. ? je te sens en petite forme ces temps-ci...c’est à cause de notre mère... ?

— Le sac d’os ? non, Norman...c’est l’habituel spleen de saison...il escorte chaque année l’automne qui pointe le bout de ses feuilles mortes à l’horizon...

— "Le jour décroit, la nuit augmente, souviens-toi !". C’est du Baudelaire, Norman...

— Merci pour le rappel, Norman, je croyais que c’était du Steven Seagal...

— Hier je t’observais lorsque tu empaillais cet oiseau...sans l’enthousiasme habituel, ces petits ricanements sardoniques...t’avais l’entrain d’un fonctionnaire de la Poste derrière son guichet...même quand tu regardes un spectacle de Dieud...

— Norman ! Tais-toi ! tu veux que je finisse de déprimer dans une cellule.. !?

— Norman, si tu déprimes à cause du motel je peux te rassurer...j’ai lu une appréciation fort élogieuse sur internet...le gérant du lieu était décrit comme aimable, serviable, agréable...

— Qui a pondu cette appréciation, selon toi, Norman ? un client devenu macchabée enlisé dans la vase et le coffre de sa bagnole ou moi en pleine crise de branlette promotionnelle.. ?

— Ah...

— Je mélancolise aussi de la marche saccadée du monde, Norman...toute cette agitation, ces vains postillonages...mes rêves qui sont dans le rétroviseur, rêves qui ne sont pas faits pour être vécus...la vacuité de mes crottes existentielles, l’impression de ne plus savoir pourquoi je combats...

— Je commence à perdre le fil, Norman...

— Tu vas me dire que l’été a été d’une extraordinaire intensité...certes...j’ai retrouvé l’Unique...pour mieux comprendre que j’ai été assez stupide pour casser ce lien jadis, et qu’il est trop tard...la boucle a été bouclée, le livre est fermé à jamais...

— Norman ? on ne va pas publier ce euh...dialogue, non.. ?

— Bien sûr que non, Norman...la souffrance est seulement belle quand elle est silencieuse et pudique...j’en connais qui ont une conception plus tapageuse de cette notion, avec tambour trompettes et surtout violons, hein...