@Norman Bates
Moi je fais
partie de ceux qui ne ciblent pas ceux qui tirent les ficelles mais les règles
du jeu qui permettent de tirer les ficelles. Cela dit, je respecte ton point de
vue, je comprends que tu ne crois pas en la dynamique dont je parle, que tu
juges que c’est chronophage et inadapté, je n’essaierai d’ailleurs pas de te
convaincre du contraire. Mais tu m’as posé des questions et je t’explique pourquoi
moi je pense cette dynamique est viable, pourquoi la question de l’urgence à faire
quelque chose tout de suite dans l’immédiat est pour moi hors sujet (ma lecture
de l’histoire invalidant la notion de point de non-retour ou de verrou inviolable),
j’espère simplement avoir réussit à te faire comprendre ma position.
Mais je pense
que là où nous divergeons vraiment, c’est au niveau des affects. Je ne suis pas
un romantique comme toi ( ça se voit d’ailleurs
à ton écriture que tu es un artiste, donc un affectif ), je n’ai pas non plus ce sentiment de désespoir
qui semble t’animer, d’ailleurs je n’ai aucune haine ou autre sentiment négatif
envers les classes dirigeantes (alors oui, je peux comme tout le monde avoir
des mouvements d’humeurs mais c’est passager, là par exemple je dis que je
suis horripilé par l’expression "valeurs de la républiques" mais lorsque j’y
pense à froid, je me dis que ça fait partie du jeu de faire passer les vessies
pour des lanternes, c’est en soi une stratégie), je considère qu’elles font ce qu’elles ont à faire et c’est
normal, et il se pourrait qu’à leur place je fasse la même chose, c’est une
norme depuis au moins la révolution néolithique que les forts tentent d’écraser
plus faibles qu’eux, et c’est à ceux qui sont plus faibles de construire leur
propre puissance pour y résister. Cela donne naissance à ces luttes qui
jalonnent l’histoire humaine et à ces rapports de force qui varient
inlassablement : des classes dirigeantes tombent, d’autres émergent, des
puissances nouvelles se constituent, d’anciennes s’effondrent, des corps
politiques implosent, d’autres se recomposent etc. Cela a toujours été
fluctuant de ce que j’observe et je n’ai pas l’impression que tout va changer et
qu’on arrive après des dizaines de millénaires à la fin de l’histoire humaine.
Je n’ai pas
ce sentiment de désespoir parce que j’essaie de penser en termes d’histoire
longue (ce qui permet de relativiser* la période actuelle ) mais aussi parce que
j’ai eu le privilège de voyager et de vivre quelque temps en dehors du monde
occidental ( et quand on voit des zones ravagées par les guerres, la famine, la
misère mais qu’on constate qu’il y’a malgré tout dans ces lieux des gens qui
continuent de se battre pour améliorer leur condition de vie, l’idée même de
désespoir s’évanouit, voir ça permet aussi de relativiser sa condition
d’occidental vivant incomparablement mieux que dans d’autres zones du globe mais
qui sombre dans la dépression comme si sa situation était pire que celles des
autres).
Ne pas être
romantique aide beaucoup à ne pas être dépité en permanence. Je ne dis pas qu’il
ne faut pas l’être mais que moi je ne le suis pas, d’où des divergences d’affects
vis-à-vis de la situation actuelle avec les romantiques dépités qui sombrent dans le catastrophisme et le pessimisme, je considère simplement que chacun fait
juste ce qu’il a à faire pour survivre et satisfaire ses intérêts et c’est
normal, de mon point de vue il n’y a pas de mal à sublimer dans l’ordre
politique, juste des intérêts à satisfaire. Si on y arrive c’est tant mieux, sinon tant pis. C’est avec cet état d’esprit que j’aborde la dynamique citoyenne dont j’ai parlé.
*Relativiser
dans le sens de considérer quelque chose comme n’ayant qu’un caractère, qu’une
importance relative par rapport à un ensemble.