« L’homme est un loup
pour ses semblables », POURQUOI Hobbes a pu dire cela des hommes ?
Chez le jeune homme, les
changements qui surviennent par suite de son entrée dans la vie sexuelle sont
tout différents.
En perdant les caractères
de l’enfance, il enlaidit, devient velu, sa force musculaire augmente ; la bête
humaine s’introduit en lui, lentement (brutalement, brusquement, quelquefois,
chez les descendants des anciennes races qui se précipitent dans l’évolution et
en récapitulent les phases en peu de temps), elle le transforme, imprime sur
son visage sa lourde empreinte bestiale, l’intimide, l’effraie.... il voudrait
la fuir, se sauver de lui-même pour ne pas vivre avec cet hôte gênant, il a
honte de cet état nouveau. C’est chez lui que naît la pudeur, c’est lui qui
voudrait se cacher. Car c’est chez lui qu’il y a pour passer de l’enfance à l’adolescence
une révolution mentale, une crise intellectuelle et morale, une conversion
accompagnée d’un changement du regard.
L’apparition de la barbe
lui fait perdre sa beauté enfantine, sa voix devient grave et sourde, ces
changements le troublent profondément. Il devient timide en face de la Femme et
cherche à dissimuler ses caractères sexuels. C’est lui qui invente le vêtement,
et nous verrons chez certains peuples primitifs les hommes se voiler la partie
inférieure du visage pour cacher la barbe naissante.
Si nous cherchons quels
changements se produisent dans son caractère à la suite de ces modifications
physiques, nous constatons que le jeune garçon subit les premières atteintes de
la perversion quand il devient homme.
Quand nous l’observons
dans la société des autres enfants, dans la vie de collège, par exemple, nous
le voyons déjà occupé à faire souffrir ses petits camarades comme plus tard,
dans la société, il cherchera à vexer, à duper ses semblables. Un autre garçon
est pour lui un petit ennemi d’abord, le premier sentiment qu’il éprouve en le
voyant est mauvais, il lui témoigne de la défiance, de la haine, il ne
s’adoucit que s’il peut en faire le complice de ses gamineries, de ses
turpitudes, de ses vices naissants. Si c’est un être faible, il se montre déjà
lâche vis-à-vis de lui, il a une férocité native qui demande une proie,
l’antagonisme, l’opposition semblent être, chez l’être mâle, un mouvement
spontané.
Ce sentiment apparaît
avec ses premières manifestations sexuelles.
Il devient destructeur,
il mutile les plantes, tue les insectes, torture s’il le peut les animaux ; ses
jeux sont cruels, il tue les mouches en attendant qu’il puisse tuer de grands
animaux, qu’il puisse tuer des hommes ; il martyrise des papillons, des
hannetons, tous les insectes, et ainsi s’habitue peu à peu à la souffrance des
autres, et y prend plaisir. Les plus forts d’entre les garçons torturent les
plus faibles, ceux qui sont doux et inoffensifs, et ils appellent cela un jeu.
On dirait qu’il veut se
venger sur l’univers tout entier des conditions physiologiques et psychiques
qui s’imposent à lui. Le jeune adolescent prend en haine le genre humain, qu’il
considère comme un témoin de sa déchéance. Il cherche la solitude parce qu’il
lui semble que, parmi les autres, il va se trouver humilié.
La misogynie naît aussi
en lui, à ce moment, et la première femme sur laquelle tombe sa haine de sexe,
c’est souvent sa mère ; il ne veut plus l’embrasser, il la craint et la fuit.
Le fameux mot de Hobbes
est l’expression de la vérité : « L’homme est un loup pour ses semblables
».
Si nous suivons l’enfant
jusqu’à l’adolescent, si nous observons attentivement les phases de la crise
qu’il traverse, nous voyons que l’amour physique qui s’est révélé à lui, qui
l’a séduit, dominé, a fait en lui son œuvre bestiale. Pendant qu’il se
travaille en silence, il devient sombre, misanthrope, en même temps paresseux,
malpropre, la coordination des idées l’abandonne, il devient incohérent dans sa
conduite comme dans son esprit, il voit faux, ce qui l’amène à mentir. Mais il
devient fort, c’est-à-dire brutal, il aime le pugilat, et ses relations avec
les autres garçons de son âge sont surtout des luttes.
Cependant, faisons
remarquer qu’il y a deux espèces de misanthropie. A côté de celui qui s’isole
par haine des hommes qu’il croit supérieurs à lui, il y a celui qui s’isole
dans la grandeur du génie, dans l’élévation de l’esprit, celui qui se sent mal
à l’aise dans une société indigne de lui et cherche la solitude pour fuir le
contact du vice ou de la bêtise humaine. Gardons-nous bien de confondre ces
deux genres de misanthropie qui sont l’opposé l’un de l’autre.
La misanthropie du vice
n’existe réellement que chez l’adolescent ; elle se perd vite dans les sociétés
où l’abaissement moral est général.
Quand les hommes dégradés
se trouvent nombreux, ils ne se cachent plus, le nombre leur sert d’excuse ;
ils se soutiennent mutuellement, et loin de cacher leur déchéance dans la
solitude ils affirment leurs vices et s’en font des vertus.