@yoananda2
Si j’étais
dans une optique du "jusqu’ici tout va bien", je ne serai pas aussi
inquiet pour les droits individuels et fondamentaux. Donc c’est une évidence
que tout ne va pas bien et qu’il y’a de sérieuses raisons de s’inquiéter d’un
durcissement de notre régime ( qui existe, on le voit ) et si je n’en avais pas conscience, je ne chercherai pas des solutions à ce risque. Mais ça ne veut pas dire que notre régime est déjà similaire au stalinisme ici et maintenant ou qu’il le sera forcément, encore
une fois il faut avoir le sens de la mesure, tant au niveau de l’intensité que
de la chronologie ( en n’oubliant pas que ses extrapolations les plus catastrophistes
ne sont que des hypothèses, elle ne sont pas déjà réalisées).
« Donc,
c’est facile de critiquer un régime dictatorial quand on a des conditions de
merde à gérer (je ne sais pas si c’était le cas de Staline mais je suppose
qu’il n’avait pas un pays industrialisé et riche à payer). Staline était aussi
dans un contexte difficile (je dis pas ça pour l’excuser) ».
Mais tu
sais, je ne suis pas en désaccord avec ça non plus, les bolchéviques et Staline
ont gouverné dans des conditions extrêmes, quasiment le monde entier voulait
leur perte, ils avaient des ennemis à l’intérieur et encore plus à l’extérieur,
leur situation était pire que celle des révolutionnaires lors de la Ière
République. Leur grande crainte était une alliance entre l’Allemagne nazie et
les « démocraties » occidentales ( une hypothèse qui n’avait rien d’absurde,
bien au contraire). Et c’est pour ça qu’ils ont tourné toute l’énergie de l’empire
qu’ils gouvernaient vers une modernisation de rattrapage, ils voyaient la
guerre venir, ils savaient que l’URSS était en retard et qu’elle n’aurait
aucune chance de gagner en l’état, d’où cette industrialisation à marche forcée
en très peu de temps, la plus formidable que le monde ait connu jusqu’alors, et
effectivement cela n’aurait pas été possible sans une dictature.
Le problème,
c’est que cette crainte des ennemis s’est transformée rapidement en une peur
frénétique et la nécessité de modernisation s’est transformé en obsession. La paranoïa
est devenue une norme, ils étaient devenus obsédés par les complots et les
sabotages ( qui existaient bel et bien mais le problème est d’en voir partout,
c’était devenu maladif ). A un tel point qu’ils étaient devenus un obstacle majeur
à leur propre plan de modernisation ( comme l’écrit Jean Lopez, l’URSS s’est modernisée
malgré eux), la peur les a fait prendre des décisions absurdes qui ont couté
des millions de vies, sans parler des dizaines de millions de gens emprisonnés.
La grande chance qu’ils ont eu, c’est que les Allemands se sont comporté de
façon encore pire avec les soviétiques, si les Nazis avaient fait preuve d’un
peu d’intelligence politique en ne s’imaginant pas tout résoudre par la force
brute, pour les staliniens c’aurait été la fin des haricots dès 1941.
La peur est
un sentiment normal. Le problème, c’est lorsqu’elle prend une forme politique,
parce qu’elle mène à des hystéries collectives et à vivre dans des sortes de
fictions qui poussent à proposer des remèdes qui sont pires que le mal qu’ils
sont censés guérir. Il y’a quelque chose qu’on peut remarquer, c’est que dans
les grandes catastrophes historiques, on retrouve toujours la peur à un niveau
ou à un autre. De ma perspective, la peur, quand elle prend une forme politique
devient un véritable poison qu’il faut endiguer, elle a déjà menée des
collectivités humaines à leur perte. La prudence au contraire est une vertu,
elle ne fait pas perdre ses moyens et mène à agit censément contre les périls
qui se présentent. C’est tout l’enjeu : rester censé malgré les dangers.
Et ici et
maintenant, si on est censé, on ne peut pas dire que la Macronie équivaut au stalinisme. Il faut conserver le sens de la nuance.