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Joe Chip Joe Chip 13 avril 2021 10:43

Aujourd’hui, le diplôme d’entrée "assuré" sur le marché de l’emploi, c’est le master et encore, dans les filières qui recrutent. Logique, compte tenu de la contraction du marché du travail et du fait que des générations entières accèdent à présent à des filières d’études supérieures de plus en plus dévalorisées.

Quand on a 16 ans, il faut vraiment réfléchir à ce que l’on veut faire et délaisser certaines filières totalement saturées ("sciences humaines" pour faire vite). Si on ne se sent pas la capacité de faire des études longues, voire très longues, dans des domaines très spécifiques qui recruteront à l’avenir, il vaut mieux s’orienter vers une filière courte quitte à se laisser la possibilité de reprendre par la suite des études ou d’étoffer sa formation une fois que l’on est en emploi, car il est beaucoup plus facile d’accéder aux formations quand on est déjà salarié.

Sinon l’asensceur social n’a pas disparu mais il est devenu individuel et non plus générationnel comme avant. Il ne faut pas non plus trop fantasmer sur le confort des boomers. Pour la plupart des gens, l’émancipation sociale voulait dire devenir ouvrier ou employé. Les statuts professionnels garantissaient et sécurisaient les parcours individuels au sein de la classe moyenne mais en contrepartie les taux étaient très élevés et les possibilités de consommation étaient en réalité beaucoup plus limitées et moins variées qu’à l’heure actuelle, y-compris chez les moins favorisés.

La nostalgie pour cette époque s’explique beaucoup par l’égalisation et l’uniformité des conditions au sein de la classe moyenne. Entre le fonctionnaire, l’ouvrier qualifié et le cadre moyen, il n’y avait pas une énorme différence de conditions, tout le monde avait plus ou moins le même train de vie avec des standards de consommation différents. On bossait, on prenait un crédit pour acheter une maison plus ou moins grande, on s’équipait, on partait en vacances, on goûtait un peu à l’hédonisme consumériste de masse et puis on prenait sa retraite. Les systèmes sociaux compensaient encore les inéquités les plus flagrantes et l’assistanat était mieux toléré. Donc tout le monde avait l’impression de vivre correctement, même quand beaucoup de gens en réalité vivotaient ou stagnaient dans leur milieu d’origine.

Aujourd’hui, il y a une précarisation de la petite classe moyenne avec un phénomène de déclassement générationnel et culturel tandis qu’une autre partie, "intégrée à la mondialisation", a vu son niveau de vie fortement progresser. Le culte de la méritocratie et l’hétérogénéité des conditions amènent les gens à se comparer favorablement ou défavorablement sur le marché de l’emploi mais aussi dans d’autres domaines (compétition sexuelle sur les sites de rencontre) : les "gagnants" estiment de manière légitime qu’ils ont mérité leurs avantages tandis que les "perdants" intériorisent douloureusement leur échec dont la société les rend individuellement responsables. Si vous n’y arrivez pas, c’est que vous manquez, de talent, de travail, de motivation, etc., à moins que vous n’apparteniez évidemment à une "minorité".

Voilà pourquoi la société des trente glorieuses, avec sa croissance, son homogénéité, sa stratification statutaire et sociale rassurante, ses ouvriers, ses employés, ses cadres, ses profs respectés, ressemble aux yeux de certains à un paradis perdu alors qu’on était en réalité plus proche du village des Schtroumpfs.

Est-ce que les gens accepteraient réellement de signer pour revenir à cette époque si on le leur proposait ? J’en doute. L’individualisme a trop profondément pénétré les mentalités et les gens, y-compris les plus pauvres, n’accepteraient sans doute pas de revenir dans le moule contraignant de la société des "boomers". Pas plus qu’ils n’accepteraient de réduire leur niveau de consommation ou de mettre un salaire dans un frigo.




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