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Joe Chip Joe Chip 19 avril 2021 16:49

Ce qu’il y a de stupéfiant lorsqu’on écoute cette émission, outre la qualité de cette interview, c’est de constater l’énorme gouffre séparant l’époque France Inter de 1969 et l’époque France Inter d’aujourd’hui. Où l’on s’aperçoit à quel point la société française, seulement 24 ans après la fin de la guerre, semblait en apparence apaisée sur cette "période la plus sombre de notre Histoire" et à quel point, 50 ans plus tard, la société apparaît au contraire comme totalement hystérisée, alors que, en bonne logique, cela devrait être exactement l’inverse.

Attention aux anachronismes et à l’interprétation rétroactive. Il y a eu en France comme ailleurs un refoulement des souvenirs de la guerre et en particulier des questions liées à la collaboration, la déportation des juifs et l’holocauste —qu’on appelait pas encore la shoah. Même en Allemagne, la guerre était peu présente dans le débat public jusqu’au début des années 70, la plupart des responsables nazis s’étaient même avantageusement reconvertis dans l’industrie, le marketing et même la justice et bénéficiaient d’une certaine complaisance de la part des pouvoirs publics...

Et puis techniquement les historiens n’avaient pas encore eu accès aux archives, soit parce qu’elles n’avaient pas été déclassifiées, soit parce qu’elles n’avaient pas été encore dépouillées et archivées (travail très lent et fastidieux). D’ailleurs elles ne l’ont pas encore été dans leur intégralité, il y a encore des historiens qui font des découvertes dans des archives mineures qui n’ont jamais été étudiées de manière approfondie. 

Donc bon, voir à travers ce débat sur France Inter une sorte d’âge d’or de la liberté d’expression à la radio française ou de symbole de "l’apaisement" de l’époque par rapport à la guerre, c’est succomber un peu à la facilité ou livrer une interprétation assez orientée des choses si l’on n’a pas pris la peine d’abord de resituer le contexte dans lequel on se trouve à l’époque.

Dans les années 50-60, la priorité absolue était encore la reconstruction et la croissance économique. Quelques historiens avaient déjà commencé à travailler sur les questions "mémorielles" mais le moment où ces questions pouvaient être abordées et débattues dans les médias grands publics n’était pas encore arrivé. 

Quant à Rebatet, bon, faut bien comprendre que ce type était au fond peu représentatif de ce qu’était Vichy ou la collaboration en France et représentait un courant hyper-marginal d’intellectuels et d’écrivains pro-allemands dont certains avaient d’ailleurs fini par un mécanisme de transfert bizarre par déclarer leur admiration envers le nouvel Etat israélien. 

Pour mois ces gens étaient pour l’extrême-droite ce que les "maos" et les communistes staliniens étaient à l’époque pour l’extrême gauche ; des petits bourgeois idiots, quasiment naïfs, toujours impatients de se mettre au service de l’étranger et trouvant dans leur prétention littéraire et esthétique (là encore typique d’un certain état d’esprit français) un prétexte pour succomber à leur bêtise et à leur radicalité idéologique. Bref, de vrais losers, malheureusement assez représentatifs de la dégénérescence de l’esprit français durant l’entre-deux-guerres. 

Moi Rebatet, je lui aurais pas demandé s’il avait honte mais s’il n’avait pas quand même l’impression d’avoir été un imbécile. La faute peut avoir un certain charme sur des esprits imprégnés de catholicisme. L’opprobre au sens baudelairien et la volupté qu’un esprit lettré et solitaire peut trouver dans la réprobation publique de ses actes et de son œuvre, peuvent même constituer une sorte de validation pour un type comme Rebatet. En revanche, l’erreur est moins pardonnable, y-compris et surtout par soi-même...




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