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Daruma 25 avril 2021 13:43

Les libéraux s’imaginent que leur neutralité axiologique leur confère une supériorité sur les autres systèmes. Ils pensent pouvoir faire l’économie de la morale en confiant au droit l’arbitrage des conflits et la protection contre la force et l’arbitraire. Mais en prétendant que le bien ne peut être qu’une valeur individuelle, ils créent sans le savoir une anthropologie qui n’est pas neutre, comme ils le croient, puisqu’elle promeut l’individualisme à outrance. Après avoir créé artificiellement cette anthropologie de l’égoïsme, il leur suffit ensuite d’affirmer que telle est la nature humaine. Pour schématiser : je crée un système qui rend les gens égoïstes et indifférents aux autres, puis j’en déduis que l’être humain est ainsi fait qu’il ne s’intéresse qu’à lui-même et ne recherche que son propre intérêt.

Dans le libéralisme le pouvoir économique et le pouvoir politique sont étroitement imbriqués, ce qui a pour conséquence de favoriser le grand capital au nom de l’efficacité économique. Les effets pervers du système tels que les licenciements abusifs et les délocalisations passent alors au second plan. De plus, les lois ne tombent pas du Ciel des Idées, elles sont impulsées par des acteurs économiques puissants qui ont une grande influence sur la sphère politique. La gauche intervient alors pour tempérer un libéralisme économique trop brutal en exigeant des mesures de compensation. Pour donner une image, je dirais que c’est comme un propriétaire d’une plantation de coton qui serait gentil avec ses esclaves en veillant à ce qu’ils aient des conditions de vie et de travail décentes, mais qui ne remettrait pas en question la notion d’esclavage.

Le libéralisme a remplacé un système inégalitaire (la monarchie) par un autre système inégalitaire (le pouvoir bourgeois) : l’inégalité de naissance n’est plus fondée sur le sang mais sur le patrimoine matériel (argent, biens immobiliers) et culturel (maîtrise du langage et bagage de connaissances). Comme le répète souvent Juan Branco, si vous naissez dans le XVIe arrondissement de Paris, et donc dans une famille aisée, vous démarrez dans la vie avec un avantage énorme sur ceux qui naissent dans un milieu populaire ou défavorisé. Une école de qualité permettait de compenser un peu cette inégalité de naissance, mais maintenant même ce petit ascenseur social ne fonctionne plus. Marx et Michéa ont raison de dire que la notion de liberté selon les libéraux est une notion abstraite et fallacieuse (une « coquille vide ») car ceux qui y adhèrent feignent d’ignorer l’importance des conditions matérielles d’existence des individus.

Le droit ne suffit pas à créer une société bonne, de même que l’arbitrage neutre ne garantit pas l’égalité des chances entre les clubs de football : les arbitres ont beau être neutres et impartiaux, cela n’empêche pas les grands clubs de dominer les petits clubs. Mais nous faisons comme si les compétitions étaient équitables. Dans ma jeunesse, un club comme Bastia pouvait atteindre la finale de la coupe d’Europe ; de nos jours c’est impossible. Bref, en définissant la liberté de manière négative, le libéralisme ne peut que sécréter les inégalités et les injustices. 

La gauche n’est pas (n’était pas) insensible à ces problèmes mais, étant libérale, elle est condamnée à combattre les effets dont elle accepte tacitement les causes. Elle se condamne donc à l’inconséquence, à cette schizophrénie qui consiste à affaiblir par des impôts et des charges un système qu’elle a pourtant adopté.




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