Hormis ses géniales collaborations avec Marc Caro, je n’ai
apprécié aucun des films qu’a réalisé Jean-Pierre Jeunet, tout spécialement son
"Amélie Poulain", la mièvrerie intimiste bien-pensante alliée à la
lourdeur et au kitch a forcé mon désintérêt sur ses sorties depuis
quoique j’ai du en entrevoir l’une ou l’autre sans que ça n’imprègne en
profondeur.
BigBug est à mes yeux son film solo le plus intéressant, où au moins,
le kitch est parfaitement justifié. Cette société du futur, à mi-chemin
entre "Idiocracy", "Robocop" et la triste réalité, est dépeinte avec
cynisme en dressant la caricature d’un aboutissement des promesses
technologiques et des habitudes qui en découlent dans une e-city
française en 2045 et je dois dire que ça m’a plutôt amusé.
Bien-sûr, l’aspect vaudevillesque et les coups-de-gueule nous ramènent
de temps en temps au Collaro-show, puis la subtilité inexistante des
histoires internes dans un cadre asimovien mâché et remâché, la
domotique qui joue de l’accumulation des clichés, on ne risque pas
d’être nourri de neuf de ce coté. Pas de grande originalité non-plus au
huis-clos depuis "L’ange exterminateur" de Bunuel jusqu’au récent "El
bar" de Alex de la Iglesia, j’en passe et des meilleurs, on nage dans le
déjà-vu et on entrevoit déjà la fin alors que ça vient de commencer.
Par-contre, on a une jolie mise en abîme d’une ère super-autoritaire
et connectée autant que contrôlable avec un confinement automatisé et
cette histoire de "zoo humain" assez porteuse symboliquement (les
spectateurs pensent voir un divertissement qui est en réalité la torture
et de l’humiliation qui les menace comme punition en cas de
désobéissance). C’est bien-sur aujourd’hui avec les projets de
"grand-reset", de transhumanisme et de e-city avec 5G qui sont sur les
starting-blocks, dans un climat débilitant d’accrochage aux
smart-phones, dans l’acceptation majoritaire d’une propagande étatique
grotesque que ce film apparaît à la majorité comme étant d’un extrême
mauvais goût, peut-être en partie parce qu’il se rit de la naïveté des
masses consuméristes et des promesses technologiques (?)
Bref, "BigBug" nous dresse en toile de fond un "1984" bien froid et
cruel qui table sur les secteurs actuellement montant des commandes
vocales, objets connectés et des I.A’s, secteurs que Jeunet se permet de
railler par la satyre sans réel compromis. La fin est évidemment sans
surprise, vite expédiée et retire son épingle du jeu quant à
révolutionner le système. Il me semble que suffisamment est dit entre
les lignes pour laisser à "BigBug" sa place de léger divertissement un
peu lourdingue coté intrigue mais bon, on a vu tellement pire !
Puisque ce film est massivement descendu comme étant le pire film du réalisateur, je vais lui mettre une bonne note !