@Jean Ducoin

Nous sommes tellement devenus obsédés par une possible perversité que nous en voyons partout et que nous passons une bonne partie de notre temps à nous surveiller afin qu’aucun de nos gestes, constamment épiés, ne puissent être mal interprété par les belles âmes et les comités d’hygiène morale. De nombreuses personnes âgées vivent encore dans l’ancien monde, celui où l’on ne pensait pas en premier à l’interprétation la plus malsaine de tous nos mouvements spontanés, fussent-ils maladroits ou culturellement décalés. L’un de mes amis revient d’un pays de l’est où sa fiancée l’a présenté à sa famille et il s’est fait cracher dessus par les vieilles femmes de cette famille. Pourquoi ? Pour lui souhaiter la bienvenue. Aussi étrange (et dégeu) que cela puisse nous paraître, il existe encore des cultures où on offre sa salive pour nouer une relation amicale ou sceller un pacte. Il n’y a pas si longtemps, en France, on crachait dans sa main avant de serrer celle de la personne avec qui on passait un contrat. Certains paysans font encore ce geste. Les Tibétains se saluent en tirant la langue, c’est bizarre mais c’est comme ça. On apprend aux enfants qu’il est impoli de ne pas sortir sa langue pour saluer un moine qui passe dans la rue, à cause d’une ancienne légende selon laquelle la langue d’une méchante personne n’est pas belle à voir. Montrer sa langue, c’est montrer ce qu’on est à l’intérieur, c’est manifester sa bienveillance et son humanité.