Beltrame : Le chevalier, l’ordre et sa valeur
Le chevalier, l'ordre et sa valeur
Arnaud Beltrame est l'incarnation moderne de l'héroïsme mais qu'en est-il de la reconnaissance de la Nation ?
D'abord, pour comprendre, il faut causer ordre, hiérarchie et protocole. L'ordre comprend trois grades : chevalier, officier et commandeur ainsi que deux dignités : grand officier et grand-croix. Donc, dans l'ordre, on est « nommé ou nommée au grade de chevalier », puis « promu ou promue au grade d'officier », puis « promu ou promue au grade de commandeur », puis « élevé ou élevée à la dignité de grand-officier », puis « élevé ou élevée à la dignité de grand-croix ». Depuis un décret de novembre 2008, des nominations, promotions ou élévations directes aux grades d'officier et de commandeur ainsi qu'à la dignité de grand officier peuvent intervenir, afin de récompenser des carrières hors du commun, tant par leur durée que par l'éminence des services rendus.
Quelques exemples : en janvier 2009, Simone Veil a été la première à bénéficier de cette disposition en étant directement élevée à la dignité de grand officier. La nomination directe à un grade supérieur à celui de chevalier est également possible lorsqu'il s'agit d'honorer une personnalité étrangère, en fonction du rang protocolaire des récipiendaires. Le prince Albert de Monaco a par exemple été directement élevé à la dignité de grand officier de l'ordre en 1984 mais apparemment ce n'était pas suffisant...
Nous pourrions citer quantité d'exemples aberrants de décorations ineptes et franchement dégueulasses mais une seule résume toute la honteuse problématique : celle accordée au prince Mohammed ben Nayef al Saoud au rang de grand-officier (donc au-dessus de Beltrame) par F. Hollande en 2016. A l'époque, la comédienne Sophie Marceau a refusé sa Légion d'honneur à elle, geste de protestation sans doute un peu dérisoire mais si tous le faisaient nous n'en serions peut-être pas là.
L'attribution du titre de grand-officier (donc le grade au-dessus de commandeur attribué à titre posthume à Beltrame) est pratiquement automatique pour les anciens ministres, les préfets honoraires, les anciens députés ou sénateurs, les anciens hauts magistrats et ambassadeurs. La rente
annuel (somme symbolique mais... précisément) d'un commandeur est de 12,20 €. Celle d'un grand officier, 24,39 €. Oui, nous allons bel et bien tous payer un jour 5 grecs-frites salade-tomate-oignon sauce harissa-samouraï, à des héroïnes raffinées qui font rayonner la France telles que Sibeth qui, ça
tombe bien, en raffole ou encore au préfet Didier Lallement, pacificateur émérite à grand coup de LBD dans les yeux du mouvement des GJ. Aux petit.e.s fommes la matrie reconnaissante. (adaptons-nous à l'inclusivité et luttons ensemble contre la cis-genritude et la masculinité toxique mes froeurs !).
Au grade au grand-croix (deux crans au-dessus de commandeur donc), on peut trouver des "héros" tels qu'Antoine Bernheim, banquier et président de la compagnie d'assurance italienne Generali durant 12 ans, le tristement célèbre milliardaire pharmacien Jacques Servier, célèbre pour l'affaire du Mediator pour laquelle il avait été mis en examen pour "homicides et blessures involontaires" mais pour laquelle l'action à son encontre n'alla jamais à son terme puisque ce dernier crèvera deux ans et demi plus tard. Ah oui, on retrouve également notre grand "héros" de guerre et champion de bobsleigh monégasque Albert II. Et puis Ilham Aliyev (Président de la République d'Azerbaïdjan, cette République qui traite si bien les frères chrétiens de Beltrame au Haut Karabakh), Romano Prodi, le roi et la reine des Belges (Philippe et Mathilde) qui, comme chacun sait, ont tant fait pour notre pays ou encore un ancien Président du Bénin. Poutine l'a eu mais Trump n'est probablement pas prêt de recevoir la distinction (en même temps, pas certain que cela lui en fasse bouger l'autre). On y retrouve également des artistes tels que Jean D'Ormesson, Pierre Soulages ou Michèle Morgan et évidemment tous nos Premiers Ministres (Jospin, Rocard, etc). En 2020, le Président dictateur Egyptien al-Sissi a également été élevé à ce grade, ce qui provoqua, dans les jours qui suivirent, la restitution de la distinction par l'écrivain et journaliste italien Corrado Augias pour protester contre la distinction de ce chef d’État complice de crimes tels l'enlèvement, la torture et l'assassinat par ses services de renseignement de l'étudiant italien, Giulio Regeni. D'autres italiens, Sergio Cofferati, ancien maire de Bologne, l'économiste Giovanna Melandri et la journaliste et écrivaine Luciana Castellina ont également annoncé qu'ils rendaient leur légion d'honneur. Eh oui... c'est aussi une constante : fort heureusement, tout le monde ne rampe pas devant les iniques décorations de la République.
Arnaud Beltrame, pour son haut fait de guerre, son sacrifice héroïque, ses réelles services rendus à la Nation, Beltrame qui, lui, a été salué à l'international notamment par le Président Trump, n'a été élevé qu'au troisième rang, celui de commandeur par le Grand Maître de l'Ordre qu'est (comme tous ses prédécesseurs), Emmanuel Macron, soit en-dessous de celui de tous ceux déjà cités.
Les résistants à l'ordre ? Parlons-en. Beaucoup d'artistes, d'intellectuels, d'homme politiques ont refusé la récompense. Les lister serait fastidieux mais ce fut le cas de Ravel, Maupassant, Prévert, George Sand, Sartre, Césaire, Camus, Gustave Courbet, Bourvil, Bardot, Frédérique Dard, Catherine Deneuve, Bernanos et bien d'autres. Leurs motivations varient entre ceux qui estiment qu'ils ne la méritent pas plus que d'autres comme Bernard Pivot ou encore Jane Birkin et Philipe Seguin qui ont déploré pour l'une que son père, héros de la Royal Navy n'ait pas été décoré ou l'autre, son père, également mort pour la France, ne le fut pas non plus. D'autres avancent qu'ils préfèrent rester "libres de toute congrégation et tout cérémonial, qu'il s'agisse de Franc-maçonnerie ou de légion d'honneur" comme Eric Dupont-Moretti ou Jacques Tardi. D'autres encore évoquent diverses motivations politiques, comme ce fut le cas de Erdogan Tezic (ancien recteur de l'université Galatassaray) pour protester contre la loi visant à pénaliser la négation du génocide arménien.
En 2012, l'ancien ministre Henri Torre a précisé probablement le motif le plus fréquent de refus. Son argument est simple et sensé : « on a nommé trop de gens qui ne méritaient pas d'être nommés… on a bafoué cette haute distinction en nommant n'importe qui ».
Et puis évidemment on va retrouver d'éternels Gaulois réfractaires :
Bref, 3 ans jour pour jour après sa mort en service à Trèbes, le catholique, mystique et héroïque Colonel Beltrame méritait bien un dérisoire papier ici. La question de savoir ce que valent ces distinctions étant tranchée, celle qui se pose surtout pourrait être « à quoi bon décorer des héros de guerre quand rien n'est réellement fait pour la remporter ? » mais la réponse étant toute aussi évidente, j'invite le lecteur à revoir et partager cette vidéo comportant le témoignage de Marielle Beltrame et du père Jean-Baptiste Golfier.
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