Culture et censure, un retour sur l’histoire
Depuis le début de "l’affaire dite de la quenelle", j’ai essayé de comprendre les motifs qui présidaient à cet état de censure aux proportions démesurées. Pourquoi l’Etat tout puissant s’arrogerait le droit de nous imposer sa vision moraliste (ce qui est bien ou ce qui est mal) et de nous contraindre à voir ce qu’il a envie qu’on voit et à observer une direction comportementale à laquelle tout dévoiement serait irrémédiablement sanctionné.
L’histoire récente nous a montré qu’il était aisé de s’arque bouter sur l’affirmation absolue de la liberté d’expression en disant de surcroît « ceci n’est ni une offense ni une atteinte à la pensée ou la morale publique, … ». Par exemple, l’affaire des caricatures de Charlie Hebdo ou la pièce de théâtre subversive intitulée « Sur le concept du visage du fils de Dieu », de Roméo Castellucci. Je conçois la difficulté d’accepter une forme de culture distincte allant à l’encontre de ses propres croyances, néanmoins, pourquoi dans ce cas vouloir interdire Dieudonné ?
J’ai donc exploré le passé de la censure cinématographique afin de mieux comprendre les raisons d’un tel choix politique (car il s’agit de politique et non de morale publique).
Le film de Jean Vigo, « Zéro de Conduite » (1933) a été censuré en France jusque la libération parce qu’il dénonçait le système répressif de l’éducation scolaire d’alors. Cela touchait une certaine morale punitive admise à l’époque.
Le film de Stanley Kubrick, « Les sentiers de la Gloire » (1957) a été censuré en France jusqu’en 1987 (c’est proche de nous mine de rien !) pour atteinte à la réputation de l’armée française. Kubrick y dénonçait l’affaire des fusillés pour l’exemple pendant la guerre 14-18.
Le film de Jean-Luc Godard, « Le Petit Soldat » (1960) a eu le culot de montrer un déserteur français pendant la guerre d’Algérie et dénonçait les tortures qui s’y pratiquaient. A cette période, ce type de position était disqualifié et le film a subi la censure jusqu’en 1963.
A l’étranger, le chef d’œuvre de Chaplin, « le Dictateur » (1937) a été interdit de diffusion en Allemagne et en Italie. Chaplin subit même des pressions de la part du gouvernement nazi et…. même des Etats Unis, pour ne pas interrompre la production de ce film. C’est dire si cette dénonciation dérangeait.
Aux Etats-Unis, le sénateur McCarthy a sorti une liste noire des artistes hollywoodiens : entendons par là, les réalisateurs qu’il ne fallait plus financer et distribuer, et des comédiens qu’il ne fallait plus engager. Parmi ces artistes, des monstres sacrés tels Chaplin (encore lui !) et Orson Welles. Le comédien Leo Penn, père de Sean (il a de qui tenir celui-là : un homme engagé), a vu sa carrière brisée en raison de son refus d’appliquer les règles et l’ostracisme prôné par le sénateur McCarthy. Penn a subi une sorte de mort professionnelle, voire sociale.
On le voit bien à travers l’histoire : les libertés d’expression et de création ont dû régulièrement subir les foudres des maîtres censeurs et chasseurs de sorcières. Il ne s’agit pas de donner raison à tel ou tel, mais simplement de laisser s’épanouir la LIBERTE. En l’espèce, Manuel Valls n’a rien compris de la signification de la puissance que recèle le terme liberté. La devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité » a perdu sa tête. Tel un petit valet, Valls crache à la figure du premier terme (liberté), défigure le second terme (égalité) en lui déniant toute substance, et enfin, en guise d’estocade finale, élimine la fraternité en lui portant un coup mortel.
Tags : Censure Culture
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