Religions, philosophies et haine de soi
J'ai déjà eu l'occasion de le formuler dans un article précédent, le gauchisme, en opposition à la gauche traditionnelle et patriote, se définit comme la haine de soi sur le plan collectif. Néoféminisme, anti-racisme, wokisme et tous les "ismes" qui se résument en un seul, à savoir le communautarisme, en sont les corollaires.
Mais d'où vient le gauchisme, d'où vient cette "haine de soi" propre à l'occident et qui s'observe tout particulièrement en France ? Les anti-chrétiens mettent en cause le christianisme en tant qu'origine quant à cette détestation du corps et de la chair que celui-ci nous a inculqué durant des siècles, et ils n'ont évidemment pas tort (même si le christianisme ne se réduit pas seulement à ça) sauf que leurs propres références religieuses et/ou philosophiques se révèlent bien souvent encore pires dans cette "haine de l'homme" qu'ils véhiculent. D'ailleurs c'est bien simple, être antichrétien (à distinguer de l'athéisme ou de l'agnosticisme qui n'empêchent pas de reconnaître les apports de la "culture chrétienne") pour un occidental est déjà une attitude de haine de soi puisque le christianisme, avec la culture gréco-romaine, constituent le fondement de l'occident. Aussi, ces mêmes antichrétiens aiment à nous bassiner avec d'autres philosophies de vie tels que le bouddhisme et le stoïcisme en évoquant la "bienveillance" ( avec la "pensée positive", voilà encore des termes à la con bien modernes que la société véhicule afin de domestiquer les masses) qu'elles suscitent en opposition avec le christianisme. Sauf que ces philosophies prônant le "détachement" de l'homme vis-à-vis de ses passions sont encore plus "anti-humaine" que ne l'a été le christianisme institutionnel. Proclamer que "les passions humaines, c'est mal" c'est vouloir justement déshumaniser les individus pour en faire des machines. L'époque dans laquelle nous vivons en est la plus parfaite illustration. Le christianisme institutionnel, le bouddhisme, le stoïcisme ou les mouvements néopaïens actuels ne s'opposent pas à la société moderne : ils ne font que la nourrir en nous conduisant tout droit au transhumanisme.
Pour illustrer mon propos, je vais m'appuyer sur un exemple précis d'émotion jugée à l'unanimité comme négative par l'ensemble des religions/philosophies que je viens de citer : la colère !
Eloge de la colère
Voici une excellente émission de France Culture où est invitée Sophie Galabru, philosophe et accessoirement petite-fille du célébrissime et talentueux comédien dont la gouaille et les colères homériques nous manquent ô combien. C'est avec des propos certes clairs et bien construits mais avec une certaine retenue, voire même une certaine timidité dans l'expression, que Sophie Galabru souhaite remettre la colère à l'honneur. Cette retenue donne d'autant plus de force à ses propos.
S'opposant à la pensée purement rationnaliste, Sophie Galabru rappelle l'importance de l'affect dans les relations humaines et redit que la colère est bien souvent "l'expression de la justice et de la liberté". Les avancées sociales ont d'ailleurs pour origine la colère. Or cette émotion est constamment connotée négativement par beaucoup de religions et de philosophies.
"Rester en colère, c'est comme saisir un charbon ardent avec l'intention de le jeter sur quelqu'un, c'est vous qui brûlez" Bouddha
"C’est pourquoi certains sages ont dit que la colère était une courte folie ; comme celle-ci en effet elle ne sait pas se maîtriser, perd la notion des convenances, oublie tous les liens sociaux, s’acharne et s’obstine dans ses entreprises, ferme l’oreille aux conseils de la raison, s’agite pour des causes futiles, incapable de discerner le juste et le vrai et semblable aux ruines qui se brisent sur ce qu’elles écrasent" Sénèque, De la colère
"Le fou laisse éclater sur l'heure sa colère, mais l'homme prudent avale l'injure" Proverbes 12,16
Bref, que l'on cherche dans la Bible ou du côté des stoïciens ou des bouddhistes, tous s'accordent à condamner la colère. Enfin peut-être pas tous. Aristote a par exemple un point de vue bien différent
"La colère est nécessaire ; on ne triomphe de rien sans elle, si elle ne remplit l'âme, si elle n'échauffe le coeur ; elle doit donc nous servir, non comme chef, mais comme soldat."
Petite parenthèse : à tous ceux qui condamnent la colère, qui vouent aux gémonies les impulsifs, les têtes de cochons, les sanguins, les gueulards,...bref à ceux qui ne supportent pas les autres qui "ouvrent leur gueule", sachez pourtant que nos colériques vivraient apparemment plus longtemps que les autres
https://www.neonmag.fr/etre-pessimiste-et-colerique-aide-a-vivre-plus-longtemps-525673.html
Donc merci à Sohpie Galabru pour cette démonstration et cette réhabilitation de la colère qui peut se révéler être un excellent antidote contre la domestication de la société.
Et petit hommage à son grand-père au-travers de cette vidéo
Jésus, un sage nous montrant un autre chemin
A l'opposé des "sages" tels qu'on se les représente et à l'opposé de ce que le christianisme a trop souvent véhiculé, Jésus, au-travers de son incarnation ("vrai homme et vrai Dieu") a voulu unir la "matière et l'esprit". Bien loin des images d'épinal d'un homme toujours "calme et maître de lui" (bref chiant comme la mort), Jésus au-travers des évangiles apparaît comme un homme entier, voire même colérique à plusieurs reprises et ne cherchant pas à masquer ses émotions.
Jésus ne cherche pas à se "détacher" du monde (ce qui est une forme de lâcheté car on préfère fuir cette vie qui nous est donné plutôt que de la vivre), bien au contraire, il se coltine le réel en n'hésitant pas à affronter les pharisiens (le pouvoir de l'époque), il pleure à chaudes larmes quand son ami Lazare meurt (avant de le ressusciter), fait la fête avec ses amis lors des noces de Cana.
Au fond, l'enseignement de Jésus était très simple : vivons pleinement cette vie qui nous est offerte dans tous ses registres : joie, tristesse, colère... mais surtout en étant pleinement "vivant" et en apprenant à s'aimer soi-même pour être capable "d'aimer son prochain" en retour et construire ainsi une authentique fraternité. L'enseignement de Jésus au départ était donc l'exact contraire de la haine de soi qui a été véhiculée ensuite.
La leçon de Cyrano, une leçon de vie
Pour comprendre pleinement l'enseignement de Jésus, je trouve qu'on peut aussi l'appréhender en relisant Cyrano de Bergerac. A partir de là, le lecteur va sûrement se gratter la tête en se demandant "quel est donc le foutu rapport entre le Christ et le truculent personnage créé par Edmond Rostand ?"
Me concernant, tout le sens de la vie se trouve dans ces quelques vers qui, comme les évangiles, sont un hymne à la vie et à ce qui lui donne sens : l'authentique liberté !
Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force ?
Non, merci. Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? Se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? Une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?…
Non, merci. D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir un encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans les cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : « Oh, pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François ? »…
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais… chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, – ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !"
Tags : Religions Philosophie
218 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON