Jacques Delors au Grand Oral de la RTBF : « Avec les extrémismes, "tout peut arriver" »
Trois jours pour réinventer l’Europe : c’est ce qui a poussé, encore ce samedi jusque 17h, plus de 6000 personnes à se ruer vers Bozar pour participer aux débats multiples, rencontrer et interpeller des intervenants prestigieux, polémiques, culturels ou politiques. Ce rendez vous organisé par le "Nouvel Observateur" en lien étroit avec Le Soir, De Standaard et la RTBF était placé sous le patronage de Jacques Delors. Il était l’invité du Grand Oral, sur La Première, ce samedi.
L’ex-président de la Commission européenne est un mythe, devenu aussi l’incarnation de cette Europe dont beaucoup sont orphelins. Jeudi soir, lorsqu’il est entré devant 2000 personnes sur la scène de la salle Henri Le Boeuf, l’applaudimat était impressionnant. Le public veut lui dire qu’il l’aime, c’est une évidence. Lorsqu’on lui fait part de cette remarque, il sourit et nous confie que lorsqu’il se promène dans les rues de Bruxelles - une ville (et un pays) qu’il adore - il est arrêté tous les deux mètres par des gens qui veulent le saluer, lui dire leur affection.
"Il faut rappeler Jacques Delors", lançait avec force Guy Verhofstadt vendredi soir, à ses co-débatteurs et ex premiers ministres comme lui, italien et espagnol, MM.Monti et Zapatero. Revenir ? Vous le découvrirez à l’écoute du Grand oral, Jacques Delors ne dirait pas non, bien au contraire, si son âge (88 ans), ne l’en empêchait pas. A défaut d’y aller lui, il donne le nom de son candidat préféré : Pascal Lamy, qui fut son collaborateur et termine son mandat de directeur de l’Organisation Mondiale du Commerce. Lorsque nous lui dévoilons le choix de Delors, Pascal Lamy nous répond, vendredi dans les couloirs du colloque, avec un léger sourire : "Il y a un lien filial entre lui et moi..."
"Au conseil des ministres européen, c’est le bazar"
L’ex président de la Commission européenne est très critique sur le travail du Conseil. "Ils sont 28. Ils veulent tous parler et personne ne prépare vraiment ces discussions. Si par exemple, il y avait un conseil des ministres des affaires générales et qu’on se mette d’accord sur le fait qu’on va, par rapport à tel projet, défendre deux ou trois points, alors ça deviendrait clair. Mais c’est le bazar. Je veux dire qu’il faut donc des méthodes de travail nouvelles. Et l’idée fausse pour Sarkozy et Mme Merkel à un moment : le conseil européen, c’est eux qui décident. Enfin, ils se réunissent quatre fois par an - les conseils des ministres nationaux toutes les semaines - , ils vont saisir les problèmes d’une manière géniale ?! Non, la méthode de travail est contestable !"
"Mon favori à la prochaine candidature à la présidence de la Commission ? Pascal Lamy"
Jacques Delors refuse de critiquer Manuel Barroso, l’actuel président de la Commission, pourtant très controversé et souvent accusé de tous les maux qui frappent cette Commission paralysée. Mais il donne le nom de son candidat favori à ce poste : "On va m’accuser de favoritisme, mais le meilleur candidat serait Pascal Lamy (actuel directeur de l’OMC)" . "Il fait peur à certains qui le jugent comme un socialiste devenu libéral, adepte de la mondialisation ? Il fait peur aux gens qui aiment se faire peur la nuit ! Qui ont besoin d’un cauchemar chaque nuit. Ils se le créent eux-mêmes. Dans tout son travail, Pascal Lamy a montré que sur le plan économique la liberté nécessite des marchés mais nécessite une régulation. C’est d’ailleurs le type même de l’économie allemande : économie sociale de marché".
Extrémismes et populismes ? "Tout peut arriver"
La montée des extrémismes et des populismes en Europe rappelle une période noire de l’histoire. Mais peut-on comparer aux années 30 ? "Tout peut arriver. J’avais 10 ans, en France. Même pas, j’avais 5 ou 6 ans, mon père était mutilé de la guerre de 14-18 et j’ai vu les fractions de droite qui arrivaient avec des cannes avec des clous au bout, etc. Une partie du déclin de la France, dans ma jeunesse, j’ai ressenti ça, est venu de ça. Et donc ça peut revenir, les extrémistes peuvent revenir quand des peuples n’en peuvent plus ou ne comprennent plus".
Belgique : "Je suis plus optimiste qu’il y trois ans"
"Sur la Belgique, je suis plus optimiste qu’il y a trois ans. Les nerfs sont moins à vif qu’il y a deux-trois ans. Alors, avec les élections, ce qui se passera, je ne sais pas. Mais je reste optimiste quand même".
La N-VA estime que finalement son programme politique peut se résoudre dans l’Europe, que la Belgique peut se dissoudre un jour dans une Europe des régions. Qu’en pense-t-il ? "D’abord aucun conseil européen n’acceptera de prendre une décision comme ça", estime-t-il, précisant que l’Europe ne validera un jour une séparation du pays. "Non. C’est une sorte de fuite en avant. Si ça continue comme ça, les historiens diront en 2040 que le nombre des frontières a été multiplié par deux, le nombre des pays par deux et tout cela sans que la paix soit venue dans le monde. Il faut faire attention. Nous sommes à un moment clé de ce point de vue. A force de se replier sur soi, de chercher une identité par agressivité aux autres, on risque de créer un monde fulgurant, un monde plein de menaces : une poudrière".
"Les Diables rouges peuvent faire que les gens retrouvent la Belgique"
"Peut-être c’est un feu de paille mais je suis absolument - indépendamment que je suis un supporter acharné de l’équipe -, émerveillé par ce rassemblement autour de cette équipe nationale." Peut-il y avoir un sens politique au-delà du simple engouement sportif ? "Oui, oui. Je pense que cela peut exister. Que les gens retrouvent la Belgique"
Source RTBF
Tags : Construction Européenne Economie Allemagne Démocratie Immigration Désinformation Culture Angleterre Communication Belgique Euro Crise financière Oligarchie Manipulation
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