Et si, demain, Nicolas Sarkozy
apportait la droite sur un plateau à Emmanuel Macron ? Les deux
hommes, qui depuis trois ans nourrissent des relations complexes,
entre attirance réciproque, tactique, méfiance, et intérêts bien
compris, se sont longuement téléphoné lundi, après la
condamnation de l’ancien président à trois ans de prison, dont un
ferme, dans l’affaire des écoutes. Ce n’était bien sûr pas le
moment d’aborder l’hypothèse d’un accord politique entre eux. Mais
celle-ci n’est plus taboue.
Sarkozy lui-même lui a donné corps.
Quand Le Figaro l’interroge, mercredi, sur un possible soutien au
chef de l’État à la présidentielle, il élude, refuse pour l’heure
de "soutenir un candidat plutôt qu’un autre", promet qu’il
se prononcera le moment venu "en toute transparence avec [s]a
famille politique". Mais il n’exclut rien. Le fondateur des
Républicains acte ainsi explicitement que son choix ne se limitera
pas aux seuls prétendants de sa famille politique, LR ou ex-LR. Un
coup de tonnerre pour la droite. Et une gifle pour ceux qui rêvent
de lui succéder à l’Élysée, de Xavier Bertrand à Valérie
Pécresse en passant par Bruno Retailleau.
"Le soutien à Macron fait partie
de ses hypothèses, très clairement, confirme un poids lourd LR. Il
n’écarte rien." Ce scénario, Nicolas Sarkozy l’a évoqué
devant plusieurs de ses interlocuteurs. "Il considère que
Macron est en grand danger et que, avec la crise économique et
sociale qui vient, même sa qualification au second tour est
aléatoire", précise cet élu. Dans ce cas, "si Macron
veut se sauver, il faudra qu’il se détermine", a lâché
Sarkozy devant un de ses visiteurs. Comprendre : qu’il propose de
bâtir une coalition LR-LREM avant le premier tour de la
présidentielle, avec un Premier ministre de droite à Matignon.
"Ce n’est pas l’option que Sarkozy
privilégie, nuance un ami. Au fond de lui, il ne sait pas
aujourd’hui pour qui il va prendre position." Si l’ex-président
n’exclut pas d’adouber, le jour venu, un champion de droite, il doute
de la capacité de l’un d’eux à s’imposer. "Parmi les candidats
possibles, il n’y en a aucun qu’il respecte vraiment, qui soit proche
de lui, souligne un de ses proches. Au fond, il n’a peut-être pas
envie que quelqu’un à droite lui succède…" Lors d’un
tête-à-tête avec le président de la Région Hauts-de-France,
Xavier Bertrand, en janvier, Sarkozy a d’ailleurs fixé la barre à
atteindre pour incarner à ses yeux une option crédible : 18%
d’intentions de vote à l’automne.
Ce responsable en est convaincu :
"Sarkozy soutiendra le candidat de droite s’il peut gagner, mais
pas une candidature de témoignage." Quitte à trahir son camp ?
Un proche de Xavier Bertrand hausse les épaules : "Il nous
expliquera alors que la droite est morte si elle n’est pas au second
tour de la présidentielle une nouvelle fois, et qu’il la sauve en la
mettant à Matignon." Mais "s’il fait ça, il tue le parti
qu’il a créé", prévient un cadre LR qui rappelle que, déjà,
"il n’avait pas donné de consignes de vote lors des
européennes" de mai 2019. Celles-ci s’étaient soldées par la
déroute de la liste LR conduite par François-Xavier Bellamy.
"Il ne faut pas exclure que
Sarkozy nous fasse une Estrosi puissance 1.000", soupire un
député LR. Car l’alliance entre la droite et la Macronie a déjà
ses partisans au sein de LR, dont le maire de Nice. Celui-ci avait
plaidé en septembre pour "un accord avec Macron afin qu’il soit
notre candidat commun à la présidentielle". L’idée avait
provoqué un tollé.
Puis le maire LR de Toulon, Hubert
Falco, s’y était rallié à son tour. Si la droite reste encalminée
dans les sondages à la fin de l’année, cette proposition gagnerait
vite de nouveaux soutiens. Surtout dans les rangs de députés
inquiets pour leur réélection. "Dans ce cas, ce sera
l’hémorragie, et sans garrot", pronostique un ex-ministre. "Si
on est trop loin du second tour et qu’on court le risque d’un duel
entre la gauche et Le Pen, on va regarder", confirme un député
LR.
Les ambitieux tentés de tourner très
vite la page de l’ex-président savent désormais qu’il leur
faudra aussi s’imposer à ses yeux. "Sa parole sera
décisive, que chacun en soit bien conscient, prévient son ami Brice
Hortefeux. Il y aura la sienne et celle des sarkozystes qui la
démultiplieront." "Ce ne sera jamais suffisant pour
Sarkozy, rétorque un soutien de Bertrand. De toute façon, si un
candidat est dépendant du fait qu’il lève ou baisse le pouce, c’est
qu’il n’est pas qualifié pour être président."
Une chose est certaine : si le scénario
d’un retour de Sarkozy en 2022 a disparu avec sa condamnation,
l’ex-président vient de signifier à son camp, comme à Macron,
qu’il faudra quand même compter avec lui.
https://www.lejdd.fr/Politique/presidentielle-2022-pourquoi-sarkozy-nexclut-pas-de-soutenir-macron-4029690