Il y avait cependant une certaine indépendance entre les deux.
Les premiers états généraux, qui regroupaient les représentants des 3 types de fiefs existants (nobiliaire, ecclésiastique, bourgeois (communes)), sont directement issus d’un désaccord entre Philippe-le Bel et le Pape sur la suprématie entre pouvoir spirituel et temporel (Bulle Ausculta fili) : Philippe-le Bel escomptait nommer les évêques, et autres gens d’église, ce que le Pape n’acceptait pas (Il y eut le même genre de querelle dans le Saint-Empire Germanique auparavant sous Frédéric Barberousse cf querelle des investitures). Ce conflit entre Philippe-le-Bel et le Pape aboutit à la Papauté d’Avignon.
On peut dire que le pouvoir temporel a alors pris le contrôle du pouvoir spirituel au plan national en France. Toute Bulle papale devait être avalisée par les Parlements, et tout le XVIIIème siècle est émaillé de conflits entre le Parlement de Paris et le Pape (au sujet du jansénisme notamment). Les juges ne cessèrent pas de vouloir s’immiscer dans les affaires de foi.
Pour illustrer cette mainmise de l’État sur l’Église, je citerais le duc de Noailles qui fut nommé Archevêque de Paris par Louis XIV grâce à ses relation avec Mme de Maintenon. On peut s’interroger sur la qualité du jugement de nos Rois en matière de foi et sur les conséquences qu’ont pu avoir diverses nominations à des postes clés.
Par la suite, la suprématie du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel n’a jamais cessé de croître. Aujourd’hui encore, tout évêque nommé par l’église doit être préalablement avalisé par la République.
Il faut bien comprendre la structuration territoriale de la France à l’époque pré-révolutionnaire. L’administration et la justice y prenaient 3 formes :
- Dirigée par un noble (qui éventuellement déléguait à un Parlement) sur les territoires nobiliaires (duché, comté,..etc)
- Dirigée par un ecclésiastique sur le territoire des Abbayes.
- Dirigés par des gens élus sur les communes.
Chaque rôle administratif et de justice impliquait des rentes (des prébendes, des impôts) pour être mené à bien (salaire des juges, des gardiens de prison,..etc). Le contrôle par le Roi de la nomination des ecclésiastiques lui permettait de contrôler en sous-main les territoires gouvernés par l’église.
Sur de nombreuses zones urbaines, les territoires dirigés par l’Église et ceux dirigés par les communes s’imbriquaient. L’essor du Protestantisme s’explique en grande partie (c’est mon opinion basée sur l’histoire de ma commune) par une concurrence entre les juridictions communales et ecclésiastiques : évincer les juridictions ecclésiastiques permettait aux communes d’étendre leurs prérogatives et donc aux oligarchies communales de gagner en pouvoir. Le protestantisme s’est donc d’abord étendu dans les villes, et en premier lieu chez les juristes qui formaient généralement ces oligarchie communales.
C’est si vrai que le bras armé de la Révolution fut la garde nationale, et celle-ci n’était autre à l’origine que la milice de la commune de Paris. Elle absorba ensuite les autres milices communales. La milice de la commune de Paris mis en échec les troupes royales. La Révolution créa ensuite des communes partout, ce qui est une autre illustration de ces explications.
De fait, les principaux acteurs de la Révolution furent les membres des oligarchies communales, les bourgeois comme dirait Marx, sauf que Marx se trompe puisqu’en France ces oligarchies étaient très rarement composées de marchands, mais plus sûrement de juristes, d’avocats, ou de notaires... autrement dit, des gens liés à l’administration et à la bureaucratie de l’État. Cet état de fait n’a d’ailleurs pas changé depuis : les politiciens sont à une écrasante majorité des gens de l’administration.