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Voici quelques thèmes trouvés dans votre réponse, pour lesquels je souhaite exprimer mon point de vue..
1) Violence et exclusion :
A un niveau social, nous avons au moins trois formes de violence, violence économique, violence physique et violence symbolique. La violence exercée sur une personne la mène souvent à l’exclusion, à l’aliénation ou au repli sur soi.
Je pense qu’avec ou sans Etat, il y aura toujours quelqu’un pour perpétrer des actes de violence quelle qu’elle soit, mais ça ne justifie aucunement que l’État reproduise ces comportements aveuglément.
En revanche, lorsque vous êtes confronté à des pathologies menant au meurtre ou aux sévices, à l’agression et à la dangerosité pour l’entourage en général, une contrainte devient nécessaire pour maîtriser l’individu. Les psychiatres modernes utilisent aussi aujourd’hui ce qu’on appelle la "camisole chimique". Pour eux, l’individu est aliéné non pas par la contrainte elle-même, mais par ses propres émotions et pulsions, qui l’ont rendu violent ou incontrôlable. La Justice, qui est un pouvoir régalien de l’Etat, impose de donner une réponse sociale en direction des victimes. Ces dernières doivent être indemnisées physiquement et moralement. De la même manière, les aliénés sont des êtres humains avec des droits, tout comme les criminels ou les terroristes par exemple, que l’État doit faire respecter.
2) Financement culturel étatiques :
Le problème avec la solution du libéralisme, c’est que sans État les citoyens ne seront plus que des consommateurs. Aujourd’hui l’État est faible en termes de rayonnement culturel. Il est écrasé par les industries culturelles, en particulier les majors. Celles ci sont réunies en lobby, ce qui les met en situation de monopole. Le consortium des majors domine le marché, écrit les Lois et décide de la stratégie culturelle de la la France.
Le résultat est un appauvrissement des catalogues et un formatage des cultures.
Dans la lutte sans merci dans laquelle les majors se sont lancées contre le partage de fichiers, peut-être que plus d’État, là où il en manque, au niveau du partage et de la fraternité, de la culture, permettrait de relancer une dynamique créative, en pleine course vers la société de l’information. Cela implique des logiques participatives, et une ouverture vers l’économie du gratuit, qui pourrait s’intégrer à mon avis à la promotion et à l’enrichissement du domaine public. Il suffirait que l’Etat, sensé représenter la société qu’il régit, encourage la création numérique et la diffusion de toutes les œuvres afin de diffuser plus largement toutes la culture, qui est un secteur stratégique fondamental pour notre pays.
De plus le droit de prendre part à la vie culturelle y a une valeur constitutionnelle aujourd’hui entravée par le monopole des majors qui encourage en ce moment l’État à sanctionner le partage de fichiers.
3)Corruption : trop ou pas assez d’État ?
C’est sur ce point que nous serons probablement le plus en désaccord.
J’ai été très peu convaincu par la vision stéréotypée de la gauche que vous avez décrite.
Les français sont de moins en moins politisés, et ils mettent tous les politiques dans le même panier : corrompus à gauche et à droite, du coup il votent de moins en moins.
La grille de lecture gauche/droite est stéréotypée et n’a aucun sens dans la société du partage de l’information. Elle ne fait que nous détourner des vrais enjeux : éthique des marchés et de l’État, stratégies de développement culturel et scientifique, éducation et information, développement durable, etc.
Ce n’est pas la présence de l’État qui me pose problème, mais la manière dont la souveraineté populaire a été usurpée par la classe politique et l’oligarchie dominante.
Je ne pense pas que l’un vaille mieux que les autres, mais je crois que l’État est culturellement trop affaibli, ce qui provoque une baisse qualitative des productions.
Autant la liberté d’entreprendre et de diffuser des cultures ou des technologies, des savoirs, est nécessaire, autant l’État aurait les moyens d’utiliser les médias publics pour diffuser le domaine public et les licences libres, et encourager la création en général.
La où nous serons peut-être d’accord, c’est qu’il y a dans tous les cas une nécessité de mettre en place des contre-pouvoirs citoyens pour contrôler et réguler les orientations stratégiques sur le long terme prises pour le pays et rapprocher le pouvoir de la société civile, c’est à dire non pas des marchés monopolistiques (qui sont déjà introduits au cœur du pouvoir), mais des lieux de production culturelle, des universités, des associations, et d’Internet, pour les enrichir et les renforcer.
Par ailleurs, les vidéos de Serge Halimi qui ont été mises en lien dans le commentaire de Maldoror plus haut, sont éloquentes et lucides à mon avis.
Encore un mot sur le libéralisme : c’est un mouvement que je trouve très violent symboliquement et qui est porteur d’une partie de la responsabilité du clivage gauche/droite et doit pour cette raison être dépassé. Les régressions démocratiques et culturelles sont impliquées par le délitement de l’État autant que par son autoritarisme.
Je vous remercie de cette réponse.
"Ensuite, à partir du moment ou l’on souhaite un Etat qui ne s’immiscent pas dans les détails de la vie de chacun, on accepte aussi qu’une ou des morales collectives émergent et soient imposés -sans violence- par la pression sociale."
Voila un thème fondamental de la pensée libérale, et en fait c’est ici que nous ne sommes pas d’accord.
Autant sur le plan de la société civile, je crois comme vous à la nécessité de consulter et d’impliquer par la participation les associations, encore qu’il y ait ici aussi besoin de règles de Droit.
Concernant les impôts, je pense même que les citoyens, dans certaines limites, devraient pouvoir affecter eux mêmes leur argent là où ils l’estiment nécessaire.
En revanche, lorsque vous parlez de morale qui s’imposerait sans violence, je ne suis pas du tout convaincu. D’une part parce que la morale relève pour moi de la conscience individuelle de chaque individu, et qu’elle ne peut donc devenir collective à moins d’utiliser la violence, l’endoctrinement ou le conditionnement médiatique.
Ici encore, la morale est un produit direct des religions et de l’action du pouvoir de l’Eglise (en Europe en tout cas), ce qui me fait penser qu’un régime laïque n’est pas possible pour un système de régulation qui reposerait sur la morale.
Les règles sociales dont vous parlez sont certes nécessaires, mais elles comportent de grands dangers : la pensée unique, le formatage des productions culturelles, et l’exclusion.
Sur cette question je vous invite à lire Foucault et son histoire de la folie, où il explique très bien comment la morale des familles a toujours été à double tranchant, avec d’une part la charité dans les hôpitaux généraux des 17emes et 18emes siecles, et d’autre part, dans les mêmes établissements, la volonté de punition, de sanction et d’exclusion pour les péchés commis.
C’est cette logique qui a conduit à enfermer les chômeurs, les mendiants, les homosexuels, les dépravés, les fils prodigues et les fous dans les hôpitaux généraux à l’époque, dans des conditions inhumaines.
Car enfin, l’exclusion sans violence, ça n’existe pas ! Du moment que l’on reconnait la nature sociale des humains, les isoler devient automatiquement une violence qui révolte et rend furieux, ce qui conduit inévitablement à l’enfermement, à la force publique donc.
Notre ligne de séparation, je la perçoit donc comme une morale imposée par quelques uns, faussement consentie, aliénante, souvent irrationnelle, à l’image des conditionnements religieux à l’œuvre tout au long de notre histoire, versus l’organisation par l’Etat de la participation des citoyens, des associations et de la société civile.
En fait ce que je préconise, c’est de recourir au terme d’éthique plutôt que parler de morale et d’aller chercher cette éthique dans les savoirs rationnels de l’Université, tout en impliquant les associations et les citoyens dans l’exercice du pouvoir.
La grille de lecture collectiviste/libéral me paraît bien trop manichéenne et théorique, alors que dans la réalité le problème qui nous préoccupe aujourd’hui est celui du pouvoir d’une oligarchie, des banques, des multinationales et des médias, tous mis en situation de monopole par leur coopération notamment en termes de prix et de formatage, et qui ont usurpé la souveraineté nationale par l’action des lobbys et de la corruption des institutions.
Je pense que cette souveraineté nationale ne peut plus légitimer l’Etat parce qu’elle s’est trop éloignée de la volonté du peuple incarnée par les Etats Généraux qui ont présidé à la déclaration des droits de l’homme de 1789.
C’est ici que Rousseau devient nécessaire, lorsqu’il parle de souveraineté populaire et de contrat social.
Pour le reste, légitimer la contrainte de l’Etat est un exercice difficile, avec tous les abus que notre histoire a connu, mais je pense que les libéraux ont tort de nier la légitimité d’une contrainte émanant d’un Etat démocratique et républicain, où les contre-pouvoirs sociaux et économiques devraient être en mesure de contrebalancer et de contrôler en toute responsabilité l’éventuelle démesure du pouvoir étatique.
C’est la nature absolue du pouvoir d’une oligarchie, d’un Roi ou d’une morale qui devrait nous rassembler pour la combattre, pour proposer non pas un remplacement de l’Etat par une morale dominante, mais une éthique rationnelle, critiquable, en évolution, qui guiderait l’Etat pour mettre en relation le marché, la société civile, les associations et les citoyens.
Vivre ensemble impose de créer des règles et de les faire appliquer. Il n’y a rien de paradoxal dans cette idée, c’est même sur cette base que repose toute organisation humaine.
Il n’y a que les fondamentalistes libéraux qui y voient un obstacle à leur liberté, parce qu’ils se placent du point de vue d’un individu seul ou dominant.
Les seuls intérêts particuliers ne réaliseront d’après moi jamais les conditions de la liberté, au contraire ce mode de fonctionnement nous ramènera au féodalisme, à l’insécurité et au chaos. A chaque fois que je discute avec des libéraux convaincus comme vous, je suis très étonné de voir à quel point ce que vous proposez est proche de l’anarchie et de la loi de la jungle, comme si le marché pouvait réellement représenter les citoyens, et comme si le pouvoir économique était plus légitime que le pouvoir démocratique.
A la différence de l’anarchie cependant dans l’utopie libérale on ne trouve pas de notion de responsabilité ou de conscience individuelle. L’individu se retrouve défini par ses instincts "naturels" de consommation. Belle liberté, en effet, que la consommation et le luxe : Triomphes permanents sur les misérables et les faibles, comme le disait Nietzsche !
Rousseau a légitimé l’Etat par la souveraineté populaire, le contrat social et l’intérêt général.
Comme ennemi de la liberté vous trouverez mieux, et d’ailleurs cette manière d’étiqueter un penseur ou un groupe de personnes comme des "ennemis de la liberté" fait penser aux discours des pires extrémistes religieux, ou alors à la politique étrangère de Georges W Bush.
Je regrette que vous vous contentiez de citer des auteurs à tout bout de champ, cela donne l’impression que vous ne pensez pas par vous même.
Le libéralisme est devenu un dogme aliénant, et aussi une étiquette qui n’a plus vraiment de sens. Relisez donc la déclaration que vous aimez tant, et voyez à quel point l’Etat y a été jugé nécessaire pour réaliser la liberté et l’égalité, l’une autant que l’autre.
Cette vidéo est intéressante, parce qu’elle a le mérite de replacer l’étiquette "libéralisme" dans son contexte historique.
Néanmoins vous vous heurtez à des difficultés conceptuelles lorsque vous définissez la liberté du seul point de vue d’un individu hypothétiquement indépendant qui n’a jamais existé.
Cette vision revient à nier la nature sociale des êtres humains et leur état d’interdépendance ainsi que le conflit qui provoque, dans toutes les cultures, la domination des uns et la soumission des autres.
Le libéralisme n’a fait que remplacer le pouvoir absolu de l’Etat par le pouvoir absolu des industries, un monopole pour un autre en somme.
De plus l’étiquette "libéralisme" est de plus en plus utilisée de manière dogmatique, exactement à l’image des discours religieux que les libéraux étaient sensés combattre.
Ici il n’est plus question de droit à l’existence ni d’égalité des citoyens devant la Loi, mais d’idéaux philosophiques et religieux que l’on voudrait faire passer pour une science économique.
La liberté est un idéal religieux inventé par des hommes d’Eglise chrétiens par réaction à la culpabilité qui a marqué depuis les origines notre civilisation, et qui a été repris par les libéraux sur un versant plus philosophique.
Rousseau, bien au contraire d’être un adversaire de la liberté, a su donner des clefs pour devenir plus libre, en prenant simplement conscience des limites de la liberté de chaque individu, des contraintes inhérentes à la vie humaine en société.
Nier ces contraintes dans l’idéalisme, ce n’est pas être libre.
Bien au contraire, pour devenir indépendant et autonome, il faut prendre conscience de ce qui dans la collectivité et au cœur même de notre individualité (instincts, pulsions, conditionnements) restreint notre liberté, afin de prendre de la distance et de gagner peu à peu en liberté. La liberté est toujours relative aux autres, à notre culture, à la société dans laquelle nous vivons.
Elle ne peut pas à mon avis être absolue, à moins de se réfugier dans des idéaux irréel de même nature que la monarchie absolue.
Sans État, il n’y a pas de domaine public, et donc pas de propriété pour les "dominés", pas de sécurité ni de justice, pas de service public et pas de démocratie.
Aujourd’hui les libéraux sont à mon avis dans l’erreur lorsqu’ils attaquent les étatistes, nient la légitimité des impots et du pouvoir public.
L’Etat est devenu un de nos derniers remparts contre l’absolutisme qu’il faut protéger, paradoxalement, parce que les lobbys industriels, "Etat dans l’Etat" font désormais la Loi, sans aucune participation des citoyens.
Les états démocratiques ont le mérite de prévoir une structure dans laquelle les pouvoirs sont formellement séparés. Cette structure, qui est en train d’être détruite par les néolibéraux, est en danger, et avec elle les droits et les libertés des citoyens : éducation, vie privée, partage des cultures et des technologies.
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