Une citation de Isaiah Berlin, l’un des grands philosophes libéraux de ces dernières décennies qui dit beaucoup mieux ce que je voudrais dire sur Rousseau. (et qui illustre aussi assez bien vos propos.)
« le mal causé par Rousseau, c’est la mise en
circulation de cette mythologie de l’être véritable qui me donne le droit de
contraindre les autres. ../… Privé de l’appui d’une autorité supérieure, il lui
a fallu recourir à ce paradoxe monstrueux qui fait de la liberté une sorte
d’esclavage. ../..
Tel est le sinistre paradoxe selon lequel un homme qui perd
sa liberté politique, et aussi sa liberté économique, se trouve libéré en un
sens plus élevé, plus profond, plus rationnel, plus naturel que seul connaît le
dictateur, ou l’Etat, ou l’assemblée, ou l’autorité suprême, si bien que la
liberté la plus complète coïncide avec l’autorité la plus rigoureuse et la plus
asservissante.
De cette grande perversion, Rousseau est plus responsable
que quiconque. ../.. En ce sens il n’est nullement paradoxal de dire que
Rousseau qui se prétendait l’amoureux le plus ardent et le plus passionné de la
liberté humaine qui eut jamais vécu,
n’en fut pas moins l’un des plus sinistres et des plus formidables
ennemis de la liberté de toute l’histoire de la pensée moderne. »
Isaiah Berlin